(Agence Ecofin) - La 14e analyse économique de la Côte d’Ivoire par la Banque mondiale a mis en lumière les défis et opportunités liés aux ambitions climatiques du pays. Malgré une croissance robuste, Abidjan peine à mobiliser les financements nécessaires pour ses actions climatiques.
Dans son rapport publié le vendredi 28 juin 2024, la Banque mondiale dresse un état des lieux du financement climatique en Côte d'Ivoire. Bien que le pays ait démontré une grande résilience face à divers chocs, il continue de rencontrer des difficultés significatives dans ce domaine.
Pour atteindre ses objectifs de contribution déterminée au niveau national (CDN), estimés à 22 milliards de dollars d’ici 2030, la Côte d'Ivoire pourrait tirer parti de la taxe carbone. Cet outil fiscal, qui lie directement les émissions de gaz à effet de serre (GES) à une taxe, incite entreprises et consommateurs à réduire leurs émissions. Selon la Banque mondiale, une taxe carbone bien conçue pourrait générer des gains socio-économiques importants, augmenter les recettes fiscales, et soutenir une croissance inclusive tout en atténuant les effets du changement climatique.
« Les combustibles fossiles bénéficient de "niches fiscales" importantes et généralisées en Côte d'Ivoire, ce qui maintient les prix à la consommation bien en deçà du niveau correspondant aux externalités associées aux combustibles fossiles. La mise en œuvre de taxes carbone en amont sur les combustibles fossiles permettrait de s'assurer que les prix reflètent correctement les coûts réels de l'utilisation de ces combustibles, contribuant ainsi à atténuer le changement climatique. En outre, les taxes sur le carbone impliquent de faibles coûts administratifs, sont plus faciles à collecter et à contrôler que les impôts directs, offrent peu de possibilités d'évasion et pourraient couvrir l'important segment informel de l'économie du pays », indique l’institution. Et d’ajouter : « s’ils sont bien utilisés, les revenus générés par la taxation du carbone devraient soutenir l'agenda social et économique du gouvernement et contribuer à la croissance et au bien-être humain ».
Le rapport intervient à un moment critique, alors que des prévisions climatiques dépeignent un avenir sombre si le financement climatique n'est pas correctement assuré, d'ici 2050. Les modèles prévoient une augmentation des températures de 1 à 4°C, une élévation du niveau de la mer de 30 cm, et des précipitations irrégulières. Ces changements pourraient réduire les rendements agricoles jusqu'à 30%, dans un pays où l'agriculture est le premier employeur et pourvoyeur de devises étrangères. Les pertes économiques liées au changement climatique pourraient atteindre 13% du PIB d'ici 26 ans, empêchant 1,63 million de personnes de sortir de la pauvreté.
2/2 Ces risques présentent aussi de grandes opportunités ! Le pays peut mobiliser des ressources énormes en encourageant le secteur privé à investir dans l’économie verte, Poursuivre sa politique de taxe et de crédit carbone sera essentiel pour financer son développement durable. pic.twitter.com/5MSzTwba3U
— Marie-Chantal Uwanyiligira (@MUwanyiligira) June 28, 2024
Marie-Chantal Uwanyiligira (photo), directrice des opérations de la Banque mondiale pour la Côte d'Ivoire, le Bénin, la Guinée, et le Togo, souligne que la Côte d'Ivoire est bien placée pour devenir un champion de la transition verte. « Malgré les défis, la Côte d'Ivoire est bien placée pour passer à une économie à faible émission de carbone et se positionner en champion de la transition verte. Le pays doit poursuivre sa politique de taxe et de crédit carbones, mais aussi amener le secteur privé à investir dans les initiatives vertes », a-t-elle déclaré lors du lancement du rapport à Abidjan, en insistant sur les perspectives encourageantes de l’économie ivoirienne.
Pour maximiser son potentiel, la Banque mondiale recommande des réformes réglementaires et institutionnelles pour gérer efficacement les impacts climatiques. Cependant, la Côte d'Ivoire ne pourra atteindre ses objectifs sans un soutien accru du secteur privé et des pays principaux pollueurs mondiaux. Malgré les promesses de financer l'adaptation climatique des pays pauvres à hauteur de 100 milliards de dollars par an, ces engagements n'ont pas encore été concrétisés.
Moutiou Adjibi Nourou
Yaoundé, Cameroun.