Agence Ecofin TikTok Agence Ecofin Youtube Agence WhatsApp
Agence Ecofin
Yaoundé - Cotonou - Lomé - Dakar - Abidjan - Libreville - Genève
logomenuagenceecofin

Image

En Afrique, le fisc peine à taxer le marché du marketing d’influence (rapport)

En Afrique, le fisc peine à taxer le marché du marketing d’influence (rapport)
  • Date de création: 14 juin 2024 09:07

(Agence Ecofin) - A ce jour, aucun pays africain n’a établi des règles fiscales spécifiques aux influenceurs, qui finissent par se retrouver soumis à des régimes d’imposition généraux. Seuls quelques pays taxent déjà les influenceurs comme le Cameroun et le Kenya, mais essentiellement sur les revenus reçus des réseaux sociaux.

Alors que le potentiel économique du marché du marketing d’influence gagne en importance en Afrique comme ailleurs, la mise en place des taxes pour les influenceurs demeure un exercice laborieux pour les autorités fiscales en raison du flou qui entoure cette activité et ses revenus, souligne un rapport publié le 29 mai dernier par Ecofin Pro, la plateforme de l’agence Ecofin dédiée aux professionnels.

1 Digitalia copy

Intitulé « En Afrique, le fisc s’intéresse au marché croissant du marketing d’influence », le rapport indique que les influenceurs commencent à peser sur le continent. En 2015, seulement 33% des marques présentes en Afrique utilisaient des influenceurs pour promouvoir leurs produits, d’après l’agence de marketing digital Webcoupers. En 2020, ce taux est passé à 63%. Ces statistiques sont assez différentes de celles fournies par l’étude « State of Social 2023 » réalisée par la société qui développe des logiciels de veille et d'intelligence médiatique. L’étude révèle que 38,5% des entreprises sondées ont déclaré qu’elles collaboraient déjà avec les influenceurs africains, soit un taux supérieur à la moyenne mondiale de 34,4%.

A l’échelle mondiale, les chiffres relatifs aux revenus générés par le marketing d’influence sont assez impressionnants. Le cabinet Data Bridge Market Research, a évalué ces revenus à 7,36 milliards de dollars dans le monde en 2021. Ce chiffre devrait augmenter de 850% à l’horizon 2029, année durant laquelle le marketing d’influence devrait générer 69 milliards de dollars au plan mondial.

1 evolutionEvolution des dépenses en marketing d’influence en Afrique (Statista)

La grande majorité des études portant sur le marché africain de la publicité ne sont pas arrivées à quantifier les revenus générés par le marketing d’influence. En Afrique plus qu’ailleurs, l’influenceur, à la manière d’une plateforme de petites annonces, propose même ses services aux particuliers souhaitant, à l’occasion, vendre des articles. Cela favorise notamment la pratique informelle de l’activité d’influenceur, rendant compliquée la tâche des autorités fiscales souhaitant évaluer les revenus du secteur. Cela dit, plusieurs rapports permettent de fournir une ébauche du marché africain du marketing d’influence et de donner une idée de sa valeur.

Des difficultés liées à la traçabilité des collaborations

Pour l’agence nigériane spécialisée TIMA, quelque 159,90 millions de dollars ont été dépensés en Afrique en 2022 pour faire de la promotion via les influenceurs. Un chiffre que la plateforme Statista évalue plutôt à 137,3 millions de dollars. Ce montant atteindra 267,5 millions de dollars en 2028, selon les prévisions de la plateforme.

Indépendamment de ces chiffres qui reflètent le potentiel économique croissant du marché du marketing d’influence, l’exposition médiatique de personnalités comme Khaby Lame, un influenceur d’origine sénégalaise qui gagnerait plus de 75 000 dollars pour une publication sponsorisée, a suscité un intérêt croissant des autorités fiscales africaines pour la taxation des influenceurs, qui sont désormais impliqués dans la promotion d’événements comme la Coupe d’Afrique des nations ou les campagnes électorales.

Le rapport rappelle, dans ce cadre, que certains pays du contient ont déjà mis en place des taxes pour les influenceurs. Tel est par exemple le cas du Cameroun, où une circulaire ministérielle a imposé depuis janvier 2024 à ces créateurs de contenus de payer une taxe de 5% sur les revenus générés sur les plateformes numériques par les particuliers impliqués dans la vente de biens, la prestation de services, l’échange ou le partage de biens.

Au Kenya, les autorités ont annoncé au dernier trimestre 2023 l’institution d’une taxe de 15% pour les créateurs de contenus et les influenceurs.

 Au Maroc, les influenceurs les plus connus du pays ont reçu en 2023 des courriers de la direction générale des impôts qui les invitent à verser leurs impôts. Le sujet a été également évoqué par le Parlement tunisien et le Federal Inland Revenue Services, l’autorité fiscale nigériane.

De façon générale, la mise en place des taxes pour les influenceurs constitue un exercice compliqué pour les administrations fiscales. La difficulté s’explique en premier lieu par la partie informelle du marché. En dehors des entreprises qui sont obligées de déclarer leurs transactions, la traçabilité des collaborations des influenceurs avec les particuliers est assez difficile.

En outre, aucun pays africain n’inclut jusque-là de manière spécifique les influenceurs dans les textes concernant la fiscalité. Même les pays qui imposent déjà des taxes aux influenceurs comme le Cameroun et le Kenya taxent en réalité les revenus obtenus sur les réseaux sociaux.

Par ailleurs, les influenceurs ne sont pas considérés comme des employés de la marque ou de l’agence qui les représente. Cela signifie qu’ils sont pour la plupart des entrepreneurs indépendants et qu’ils sont responsables du paiement des taxes sur leurs revenus. 

Fixer un seuil de taxation à la source

Les difficultés rencontrées par les autorités fiscales pour taxer les influenceurs ne sont pas spécifiques à l’Afrique. A l’échelle mondiale, peu de pays ont d’ailleurs mis en place des régulations dédiées à cette catégorie professionnelle. Des pays tels que la France ou les Émirats arabes unis n’ont réellement mentionné les influenceurs dans leur arsenal fiscal qu’à partir de 2023.

Sur le continent africain comme dans le reste du monde, le nœud du problème reste la capacité des autorités fiscales à établir qu’un influenceur a réalisé une campagne et à tracer les flux financiers de l’opération commerciale. Cela demande un niveau accru de collaboration avec des acteurs tiers comme les banques et autres institutions financières susceptibles de servir de canaux de rémunération.

En attendant de trouver une solution pérenne à ce problème mondial, les autorités fiscales africaines souhaitant taxer les influenceurs peuvent intégrer certains mécanismes observés dans des pays situés hors du continent pour mieux capter les taxes générées par les campagnes de marketing d’influence. Par exemple, les pays africains peuvent fixer un seuil à partir duquel tous les paiements versés aux influenceurs sont taxés à la source. D’une manière plus globale, la mesure peut même être élargie à toutes les campagnes publicitaires. Si à partir d’un certain montant, toutes les opérations de promotion publicitaires doivent être déclarées et taxées à la source, les paiements aux influenceurs tombent directement dans cette catégorie. Ce mode de taxation est par exemple pratiqué aux États-Unis, où l’essentiel des taxes touchant les influenceurs est prélevé auprès de celui qui paie la campagne ou le réseau social ayant permis de générer le revenu. Pour chaque paiement de plus de 600 dollars versés à un influenceur par un tiers, une entreprise ou un réseau social, un formulaire 1099-NEC (formulaire dédié aux taxes pour rémunération des personnes non employées) est généré, alors que tous les autres revenus inférieurs à 600 dollars doivent être déclarés par l’influenceur.

Pour les pays africains, la collaboration avec les réseaux sociaux pour taxer les revenus directs des influenceurs sera cependant compliquée vu que ces plateformes ont peu de représentants légaux sur le continent.