Donald Trump, la «Nambia», et «des amis qui vont en Afrique pour essayer de devenir riches...»

(Ecofin Hebdo) - A l’annonce de l’élection de Donald Trump il y a un an, peu d’observateurs s’attendaient à voir le nouveau locataire de la Maison Blanche accorder une grande importance à l’Afrique. Au mieux, espéraient-ils le voir maintenir les acquis. Un an plus tard, la réalité a donné raison aux plus pessimistes. Entre désintérêt et incohérences, bourdes et inexpérience, la présidence Trump s’est illustrée par une politique africaine illisible dans un contexte de montée du terrorisme.

 

Entre couacs et incohérences

Septembre 2017. Au cours d’une rencontre avec les chefs d’Etats africains en marge du sommet des Nations unies, Donald Trump loue le système de santé d’un pays africain: la « Nambia ». Seul hic, cette nation n’existe pas. La presse internationale s’empare de la bourde et en fait des gorges chaudes. La dernière boulette du président, tweetos invétéré, fait de lui la risée des réseaux sociaux. Mais aux yeux des analystes, cette bourde est révélatrice d’un malaise plus profond: l’ignorance du 45ème président américain en ce qui concerne l’Afrique. Tout au plus sait-il que « l’Afrique a un potentiel commercial énorme ». Et d’indiquer: «J’ai plein d’amis qui vont dans vos pays pour essayer de devenir riches. Je vous félicite, ils dépensent beaucoup d’argent.».

«J’ai plein d’amis qui vont dans vos pays pour essayer de devenir riches. Je vous félicite, ils dépensent beaucoup d’argent.»

Il faut remarquer qu’entre Trump et l’Afrique, la romance n’a pas commencé de la plus belle des façons. En effet, l’un des premiers décrets que prend le nouveau président est d’interdire l’accès au sol américain aux ressortissants de plusieurs pays du monde musulman, dont la Libye et le Soudan. Cette décision sera remise en cause par la Cour suprême américaine, mais elle sera suivie, dans la foulée, par l’abrogation de la loi Dodd-Frank.

 

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Donald Trump : « l’Afrique a un potentiel commercial énorme ».

On pourrait penser que la volonté de se débarrasser de ce corset, mis en place par l’administration Obama suite à la crise financière de 2008, est uniquement liée au monde de la finance. Il n’en est rien. Dans l’un de ses volets, la loi Dodd-Frank faisait obligation aux entreprises cotées aux USA, de déclarer tout ce qu’elles versaient aux gouvernements des pays où elles exerçaient leurs activités. Ainsi, par exemple, cette disposition contraignait de nombreuses sociétés minières à déclarer à la Securities and Exchange Commission (SEC), tous leurs achats de produits miniers en RD Congo notamment le coltan. Elle permettait à des ONG de lutter contre la mauvaise gouvernance des industries extractives en Afrique. Mais la gouvernance en Afrique, Donald Trump n’en a cure. Fort de son crédo «America First» (l’Amerique d’abord), il contraint même l’organisation des Nations unies (ONU) à réduire de 7,5% son budget pour le maintien de la paix.

 

Gros pollueur

Le 1er juin 2017, Donald Trump annonce le retrait des USA, second plus gros pollueur du monde, de l’Accord de Paris qui vise à contenir l’élévation de la température moyenne terrestre en dessous de 2°C et d’une manière plus optimiste, d’essayer de limiter la hausse à 1,5 °C. Pour l’Afrique, ce retrait, qui ne sera toutefois effectif qu’en 2020, est un coup dur dans la mesure où il implique une réduction des sources de financements dans le cadre des efforts d’adaptation aux changements climatiques. L’Accord de Paris prévoit en effet, l’engagement des pays développés à débourser 100 milliards $ d’ici 2020 dans le financement de la lutte contre le changement climatique, un montant qui devrait être révisé à la hausse à compter de 2025.

 

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Certaines initiatives d’Obama ont pu résister.

Heureusement, certaines initiatives d’Obama résistent à la volonté de tout détricoter du nouvel exécutif américain. Ainsi, le 16 septembre, l’administration Trump indique qu’elle poursuivra l’initiative Power Africa (Energie pour l’Afrique), lancée par son prédécesseur Barack Obama. Ce programme qui vise à assurer un accès à une énergie durable sur le continent a, depuis lors, participé à l’électrification de 53 millions de ménages en Afrique.

 

Des budgets préservés

Sur les questions de l’immigration, la machine continue encore de tourner puisque l’administration américaine annonce qu’elle prévoit d’accueillir 45 000 demandeurs d’asile dont 19 000 d’origine africaine en 2018. Le continent africain obtient ainsi le plus important quota de réfugiés admissibles aux Etats-Unis pour l’année prochaine. La lutte contre la famine n’est pas en reste puisqu’au sommet du G20 cette année, Donald Trump s’est engagé à verser 639 millions $ à quatre pays dévastés par la famine, dont trois en Afrique. Il s’agit de la Somalie, du Soudan du Sud et du Nigéria.

Sur le plan économique, les Etats-Unis annoncent une aide financière de 524 millions $ à la Côte d'Ivoire dans le cadre du programme Compact du MCC après le vote du congrès. Robert Porter Jackson, Ambassadeur des Etats-Unis au Ghana indique quant à lui que son pays va accorder une aide de près de 238 millions $ pour soutenir l'économie ghanéenne.

L’ambassadeur des Etats-Unis au Cameroun, Michael Stephen Hoza, reçu par Paul Biya, annonce qu’une importante enveloppe de 156 milliards de FCFA a été mobilisée par le gouvernement américain pour soutenir la santé publique au Cameroun.

 

Ivanka Trump

Un fonds d’un milliard $, sous l’égide d’Ivanka Trump.

Sous l’égide d’Ivanka Trump, éminence grise de l’ancienne vedette de la télé-réalité, les USA, la Banque mondiale, les Etats-Unis et l’Allemagne lancent un fonds de plus d’un milliard $, baptisé « Women Entrepreneurs Finance Initiative (We-Fi) » et destiné à soutenir l’entrepreneuriat féminin dans les pays en développement.

 

Une lutte brouillonne contre le terrorisme

Les analystes peinent à détecter un tant soit peu de lisibilité dans la politique africaine de ce président qui mène sa diplomatie à coup de tweets. La difficulté à nommer des responsables aux postes-clés en charge de l’Afrique au sein de son administration n’est pas pour aider. Cependant, il faut noter quelques constantes. Ainsi, pour Donald Trump, la lutte contre le terrorisme reste un enjeu primordial. A son arrivée à la Maison Blanche, il s’étonne de la persistance de la secte Boko Haram. Sa solution ? Autoriser la vente au Nigeria de 12 avions A-29 Super Tucano d’une valeur de 600 millions $. Toujours au nom de la lutte contre le terrorisme, le pays promet 60 millions de dollars à la force G5 Sahel. Si la stratégie est bonne, il en dilue fortement les effets en se mettant à dos le Tchad, pays incontournable dans la lutte contre le terrorisme au Sahel.

Si la stratégie est bonne, il en dilue fortement les effets en se mettant à dos le Tchad, pays incontournable dans la lutte contre le terrorisme au Sahel.

En effet, l’administration américaine place les ressortissants de ce pays sur la liste noire des personnes interdites d’entrée aux Etats-Unis.  Cette décision est lue comme une réponse à l’absence du président tchadien Idriss Déby Itno à l’Assemblée des Nations unies, au cours de laquelle devait se tenir une rencontre dédiée au G5 et au terrorisme au Sahel.

 

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Une décision américaine qui offense l’un des meilleurs alliés des Occidentaux dans la lutte contre le terrorisme.

L’absence du président tchadien visait à protester contre le manque de soutien des Occidentaux dans la coûteuse lutte que son pays a menée ces dernières années au Mali, en Centrafrique et dans tout le Sahel. Cette décision américaine sera ressentie à Ndjamena comme une offense.

 

Une stratégie du « tout bilatéral »

En Egypte, la politique Trump se différencie de celle d’Obama par un rapprochement avec le maréchal au pouvoir. Abdel Fattah Al-Sissi est en effet le premier chef d’Etat africain à avoir reçu un coup de fil de l’hôte de la Maison Blanche. Mieux, les deux pays reprennent les exercices militaires conjoints. Mais, les progrès en matière de droit de l’homme de l’ami Al-Sissi sont-ils insuffisants ? les USA le punissent en annulant une aide de 95 millions $ (65,7 millions de dollars d'aide militaire de 30 millions de dollars d'aide civile) à l’Egypte et en retardant le versement de plus de 195 millions $. Pour beaucoup, à défaut de politique africaine cohérente, les relations entre les États-Unis et les pays africains semblent se déployer dans une direction qui privilégie les contacts et les accords bilatéraux aux engagements globaux, avec pour effet la réception de l’Egyptien Abdel Fattah al-Sissi et des conversations téléphoniques avec les présidents du Nigéria ou de l’Afrique du Sud, dès les premiers mois de sa présidence. La Maison Blanche a par ailleurs annoncé la levée de sanctions économiques contre le Soudan, début octobre malgré les protestations de son voisin du Sud. Des actions à la portée symbolique forte qui n’entrent pourtant dans aucune stratégie africaine lisible.

 

Un allié instable

Au terme de cette première année, la diplomatie africaine a été la 5ème roue du carrosse de la politique étrangère américaine. L’année n’aura été marquée que par une tournée africaine de l’ambassadrice américaine à l’ONU Nikki Haley. L’objectif de ce déplacement était de constater «de ses propres yeux ce qui peut être fait au sujet des violences, des réfugiés et de la famine au Soudan du Sud et en RDC». L’émissaire aura tenu à faire savoir au président congolais Joseph Kabila que les USA s’attendaient à le voir laisser le pouvoir et instaurer une transition démocratique. Du côté des chefs d’Etat du continent, on apprend à composer avec cet allié désormais instable que sont devenus les Etats-Unis. Lassé des rodomontades du président américain aux Nations unies, lors de la crise avec la Corée du Nord, le président zimbabwéen Robert Mugabe s’est permis de lui rappeler le destin de Goliath vaincu par David dans des circonstances analogues. Pas sûr que Donald Trump soit sensible à ce genre de métaphore...

 

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