Seif Al-Islam Kadhafi, devenu une figure quasi-christique

(Ecofin Hebdo) - En Libye, son nom est dans un coin de toutes les têtes. Alors que le pays se dirige vers des élections qui pourraient aboutir à un hypothétique retour à la stabilité et à la paix après la crise qu’il connaît depuis 2011, il apparaît comme le symbole d’une époque: celle où le pétrole coulait à flot, et sa rente avec, et celle où la voix de la Libye comptait sur la scène internationale. Une Libye d’avant les milices et la crise migratoire. Une Libye aussi, sans constitution et sans démocratie. Mais certains Libyens, échaudés par leur expérience « démocratique» et ses conséquences, songent avec nostalgie aux années Kadhafi. Etrange destin que celui de Seif Al-Islam Kadhafi, fils du «guide» Muammar Kadhafi, qui a vu son personnage évoluer avec les années vers une figure quasi-christique.

 

En France, il est celui par qui le scandale a commencé. En mars 2011 devant les caméras de la chaîne Euronews, Seif Al-Islam Kadhafi déclare: «Il faut que Sarkozy rende l’argent qu’il a accepté de la Libye pour financer sa campagne électorale. C’est nous qui avons financé sa campagne et nous en avons la preuve. Nous sommes prêts à tout révéler. La première chose qu’on demande à ce clown, c’est de rendre l’argent au peuple libyen».

 Nicolas

Nicolas Sarkozy, mis en examen pour corruption passive.

 

S’en suivra, bien plus tard, pour l’ancien président français une affaire épineuse qui voit actuellement sa mise en examen pour corruption passive. Mais aujourd’hui Seif Al-Islam Kadhafi est bien plus que le fils d’un ancien dictateur en quête de revanche.

 

Le visage de la Libye fréquentable

Pour bien comprendre son parcours, il faut remonter au début des années 2000. Le second fils de Muammar Kadhafi, né en 1972 et titulaire d’un diplôme d’architecte, représente alors la figure modéré d’un régime totalitaire. Favorable à l’adoption d’une constitution pour le pays, et pour un adoucissement des relations de la Jammahiriya avec le reste du monde, il incarne une Libye en quête de respectabilité.

Favorable à l’adoption d’une constitution pour le pays, et pour un adoucissement des relations de la Jammahiriya avec le reste du monde, il incarne une Libye en quête de respectabilité.

Il compte alors certains succès diplomatiques comme la négociation en 2004 d’un accord d’indemnisation des victimes des attentats de Lockerby et de l’explosion du vol 772 d’UTA. Deux affaires imputées à la Libye. En 2007, ses efforts aboutissent à une issue heureuse de l’affaire des infirmières bulgares. Un règlement rendu possible par la signature d’un accord d’armement avec la France, déclarera-t-il plus tard.

Kadhafi

Seif Al-Islam Kadhafi, jeune.

 

Pour tous les analystes, il est celui qui succèdera sans aucun doute à son père. Il cultive sa différence avec son frère Saadi, qui lui, s’illustre par ses frasques et sa «carrière» de footballeur.

Fréquentant le Gotha mondial, il préfère néanmoins la compagnie des dirigeants et des gens influents à celle d’une jet-set qu’il ne néglige pourtant pas. Lunettes de jeune premier et barbe savamment taillé, il est l’image d’un monde arabe décomplexé dans ses rapports avec l’Occident.

 

La fin d’un rêve

Mais en 2011, tout s’écroule. Le printemps arabe gagne une Libye séduite par les lumières de la démocratie et de la liberté et fait vaciller la Jammahirya sur ses fondations.

Le guide libyen s’arc-boute sur son pouvoir et exhibe ses muscles. Les défections se multiplient dans son camp. Le discours se durcit et Seif El Islam s’aligne sur le discours de son père. «Il y aura des rivières de sang dans toutes les villes de la Libye. Nous nous battrons jusqu’au dernier homme, jusqu’à la dernière femme, jusqu’à la dernière balle.», déclare-t-il à la télévision publique.

«Il y aura des rivières de sang dans toutes les villes de la Libye. Nous nous battrons jusqu’au dernier homme, jusqu’à la dernière femme, jusqu’à la dernière balle.», déclare-t-il à la télévision publique.

Devenu dès lors infréquentable, il voit se fermer devant lui, toutes les portes des grandes chancelleries auxquelles il avait jadis accès. Ce sera la guerre. Un conflit que le camp Kadhafi perd. Le guide est exécuté et voit son corps exhibé en public. Quant à Seif el Islam, il est capturé dans le désert, en novembre 2011. Il perd trois doigts sous la torture, est condamné à mort, puis gracié, et enfin libéré presque cinq ans plus tard.

 torture

Capturé, il perd trois doigts sous la torture.

 

L’évolution de sa situation est caractéristique des soubresauts politiques qu’a connu une Libye incapable de retrouver la paix, une fois Kadhafi vaincu. Milices lourdement armées qui s’affrontent avec, au milieu, des populations prises en otages, rançonnées et violentées, déliquescence des services publiques, chute de la production pétrolière dont les rentes sont captées par les différents camps qu’elle alimente, absence de contrôle aux frontières, entraînant une grave crise migratoire… La Libye a désormais tout de l’Etat failli, et la communauté internationale peine à y trouver une solution, empêtrée dans ses contradictions. Le problème libyen contamine la bande du Sahel et favorise un effet domino dans un pays comme le Mali.

 

Résurrection

Libéré en juin 2017, le fils Kadhafi se fait discret et ne s’exprime que par ses avocats ou ses partisans. En avril 2018, il accuse encore l’ancien président français Nicolas Sarkozy dans l’affaire dite du «financement libyen». Il annonce également sa candidature à l’élection présidentielle de décembre 2018. S’il y participait, il aurait de véritables chances selon les analystes. 

En avril 2018, il accuse encore l’ancien président français Nicolas Sarkozy dans l’affaire dite du «financement libyen». Il annonce également sa candidature à l’élection présidentielle de décembre 2018.

La Libye est aujourd’hui divisée entre le gouvernement d’union nationale de Tripoli, et celui de l’est appuyé par l’armée nationale. Le premier, dirigé par Faez Al-Sarraj est reconnu par la communauté internationale, n’a, dans les faits, aucun pouvoir véritable, alors que le second, dirigé par le maréchal Khalifa Haftar, a le pouvoir militaire, mais pas de légitimité.

Seifal slam

Il se fait discret et ne s’exprime que par ses avocats ou ses partisans.

 

Or c’est justement cette forme de légitimité auprès des tribus et d’une partie de la population qui pourrait donner un avantage à Seif al-Islam. Mais le chemin est encore long vers un retour triomphal à la tête d’une Libye qui lui était promise…dans une autre vie.

Aaron Akinocho, Olivier de Souza.

 

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