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En Côte d’Ivoire, la vente à terme du cacao empêche les planteurs et l’Etat de profiter de la hausse des prix (rapport)

En Côte d’Ivoire, la vente à terme du cacao empêche les planteurs et l’Etat de profiter de la hausse des prix (rapport)
  • Date de création: 29 mars 2024 08:05

(Agence Ecofin) - Alors que les cours de « l’or brun » ont franchi cette semaine la barre de 10 000 dollars, la tonne, le rapport souligne qu’une refonte du système de vente par anticipation est d’autant plus nécessaire que l’embellie des prix pourrait s’installer dans la durée.

Le modèle de commercialisation par anticipation du cacao ivoirien, qui repose sur la fixation des prix de vente des fèves au début de chaque campagne, engendre un énorme manque à gagner pour les planteurs et les caisses de l’Etat dans le contexte actuel d’envolée des cours de « l’or brun » sur le marché international, selon un rapport publié le 28 mars par Ecofin Pro, la plateforme de l’agence Ecofin dédiée aux professionnels.

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Intitulé « Le système ivoirien de fixation des prix bord-champ du cacao : entre protection et rigidité », le rapport rappelle que le principal système de commercialisation du cacao en Côte d’Ivoire est celui de la vente à terme.

A la différence du système libéralisé, ce système permet au Conseil Café-Cacao (CCC), l’instance nationale de régulation de la filière, de vendre par anticipation 70 à 80% de la récolte à des exportateurs locaux ou étrangers grâce à des enchères électroniques, et le reste à travers des ventes au comptant (ventes spot).

A la différence du système libéralisé, ce système permet au Conseil Café-Cacao (CCC), l’instance nationale de régulation de la filière, de vendre par anticipation 70 à 80% de la récolte à des exportateurs.

Le mécanisme repose sur la vente journalière de contrats à terme portant sur un tonnage bien déterminé de cacao et adjugés au mieux offrant dans la limite du prix de référence fixé par le CCC. Un prix minimum garanti aux producteurs de cacao est fixé au début de chaque campagne principale (octobre) et intermédiaire (avril) afin « d’améliorer les conditions de vie des exploitants ivoiriens en leur assurant des moyens de subsistance durables, et à relancer la production », selon les autorités.

Le gouvernement a également mis en place un Fonds de réserve afin de pallier aux dysfonctionnements potentiels des opérateurs et de couvrir les fluctuations négatives des cours mondiaux.  

Des opportunités ratées

Ce système de vente anticipée présente des avantages, dont notamment l’amortissement du choc des fluctuations des cours internationaux sur les prix versés aux producteurs, le tarif étant fixe pour 6 mois au moins, voire sur un an en cas de maintien des tarifs sur la petite traite. Il garantit aussi que le tarif au producteur ne soit pas inférieur à 50% du prix CAF (Coût, assurance, fret), quelle que soit la situation au niveau du marché mondial. Une telle protection prend tout son sens en cas de baisse violente des prix du cacao sur le marché international et reste unique sur le continent africain, où la plupart des pays disposent d’un marché libéralisé qui n’offre pas de matelas de sécurité aux producteurs dans le cas d’un effondrement des prix ou d’une baisse durable des cours mondiaux.

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Le rapport souligne cependant que le système de fixation des prix bord-champ du cacao présente quelques insuffisances. La principale limite réside dans le fait que le système n’est efficace que dans le cas où le prix de vente par anticipation au moment des opérations est au-dessus des prévisions sur les cours internationaux à long terme. La forte production mondiale de cacao, qui a tiré les prix vers à la baisse durant la dernière décennie, a conforté la politique de vente par anticipation adoptée par la nation éburnéenne. Mais la conjoncture actuelle du marché marquée par une hausse des prix du cacao depuis le dernier trimestre 2022 et la perspective d’un 3ème déficit consécutif en 2023/2024 (une première depuis le début du 21ème siècle) remettent en question le modèle de la vente à terme. En cédant 70 à 80% de la récolte 2023/2024 avant le début de la saison, le CCC s’est privé du trend haussier actuel sur le marché qu’aurait permis d’exploiter les ventes spot.

Introduire une dose de flexibilité

Alors que le prix de référence pour la vente à terme est basé sur les cours à Londres ajustés du différentiel d’origine en vigueur sur le marché avant le début même de la saison en octobre dernier, ce modèle de commercialisation ne tient pas compte de la variation des cours du cacao entre la saison écoulée et l’actuelle campagne dans la fixation des prix aux producteurs, alors même que la fluctuation des prix s’effectue essentiellement entre les saisons. Cela induit un énorme manque à gagner pour les caisses publiques et les producteurs dans la mesure où le tarif actuel de la tonne de cacao à New York et à Londres représente plus du double de leur niveau affiché un an plus tôt.

Ce modèle de commercialisation ne tient pas compte de la variation des cours du cacao entre la saison écoulée et l’actuelle campagne dans la fixation des prix aux producteurs, alors même que la fluctuation des prix s’effectue essentiellement entre les saisons.

Après avoir battu, début février, le record de 5379 dollars remontant au 2 juillet 1977, les prix du contrat de référence du cacao à l’Intercontinental Exchange à New York ont franchi la barre des 8000 dollars(1), avec un plus haut journalier à 8559 dollars le 21 mars, pour la tonne de cacao pour livraison en mai 2024.

Le même jour, la tonne de cacao à Londres clôturait à 7116 livres, un niveau record aussi. Cette flambée des cours s’explique essentiellement par les inquiétudes liées à la baisse de l’offre mondiale. L’actuelle campagne cacaoyère 2023/2024 devrait être encore déficitaire avec 374 000 tonnes de cabosses en moins, ce qui constituerait un 3ème épisode consécutif de déficit.

En plus de la rigidité du système qui ne laisse que peu de marge de manœuvre au réajustement de prix en pleine saison en fonction des prix mondiaux du moment, les critiques concernent aussi l’absence de la possibilité de différenciation par la qualité. A la différence des producteurs camerounais qui peuvent travailler à l’amélioration du produit et escompter des primes à la qualité, les producteurs ivoiriens ne peuvent pas négocier un tarif en sus du prix réglementaire fixé, en dehors des systèmes de certification durable.

Au regard de ces défaillances, plusieurs experts plaident désormais pour une refonte du modèle de la commercialisation par anticipation en y introduisant une dose de flexibilité. Ainsi, le prix de vente de cacao par anticipation pourrait par exemple inclure une clause induisant le versement d’une prime si l’évolution des cours dépasse la fourchette de prix convenue, surtout que plusieurs analystes s’attendent à ce que trend haussier des cours du cacao dure jusqu’en octobre prochain voire jusqu’en 2025.  

  •     (1) Le prix du cacao a atteint 10 000 $ ce 26 mars, juste après la parution du rapport.