(Agence Ecofin) - En Sierra Leone, le secteur minier compte pour 67 % des recettes d’exportation, 4,7 % des recettes de l’État, et 3 % des emplois, selon des données de 2021. Alors qu’il veut améliorer ces indicateurs, l’État doit gérer un litige avec un de ses plus vieux partenaires de l’industrie, Sierra Rutile.
Le gouvernement sierra-leonais a donné à la compagnie Sierra Rutile jusqu’au 31 mai 2024 pour reprendre les opérations minières sur son projet Area 1. La compagnie avait en effet suspendu les opérations suite à un différend avec l’État au sujet du régime fiscal applicable à l’actif. Selon le gouvernement, la suspension des opérations n’est pas conforme aux exigences de la loi et des règlements en vigueur dans le secteur minier du pays. Agence Ecofin vous propose quelques clés pour comprendre ce litige entre la Sierra Leone et un des principaux acteurs de son secteur minier.
La genèse du litige
Pour comprendre le litige entre les deux parties, il faut remonter au mois de mai 2021, lorsque Sierra Rutile annonce son intention de suspendre temporairement les opérations du projet Area 1 en raison de conditions d’exploitation difficiles. Elle a envoyé au gouvernement un préavis de six mois pour un arrêt des opérations à compter du 19 novembre 2021
Un accord sera trouvé quelques mois plus tard (en aout 2021) avec le gouvernement pour un amendement des conditions fiscales applicables au projet, entraînant un certain nombre d’allègements en ce qui concerne les coûts, droits, redevances et taxes. Après ratification de cet accord par le Parlement, Sierra Rutile a retiré l’avis de suspension des opérations.
Le gouvernement veut renégocier les termes de l’accord
En mai 2023, l’État sierra-léonais informe Sierra Rutile de son intention de renégocier les termes de l’accord d’amendement conclu en aout 2021. S’en suivent de nouvelles discussions pour trouver un terrain d’entente, lesquelles discussions ont été confirmées par la compagnie le 11 octobre 2023 sans plus de détails.
En janvier 2024, alors qu’aucune communication n’a été faite sur l’issue des discussions susmentionnées, Sierra Rutile annonce avoir reçu une correspondance de l’État qui indiquait que l’accord d’amendement du régime fiscal ne s’applique plus au projet Area 1, à compter du 1er juillet 2023. Cette décision implique que le gouvernement annule à partir de cette date les allègements fiscaux accordés à la compagnie sur le projet qui passe ainsi sous l’ancien régime fiscal.
« Revenir aux régimes fiscaux précédents nécessiterait un paiement substantiel à effectuer par Sierra Rutile au gouvernement au titre de l’exercice financier 2023, ce qui aurait un impact significatif sur la viabilité financière et opérationnelle de la société […]. Cela rendrait économiquement non viable la poursuite des opérations à Area 1 », a déclaré la compagnie qui indique par ailleurs que l’accord d’amendement ne peut pas être modifié sans son accord.
La compagnie suspend les opérations et annonce des licenciements
Dans une note publiée sur la bourse ASX sur laquelle elle est cotée, Sierra Rutile annonce la suspension « temporaire » de ses opérations sur le projet Area 1 ainsi que le licenciement de 25 % de son personnel sur l’actif. Selon la compagnie, cette décision aurait été prise en réponse aux conditions de marché difficiles, persistantes et l’incertitude concernant le régime fiscal applicable aux opérations.
La société a indiqué que si elle ne parvient pas à un accord avec le gouvernement, elle envisagera l’arrêt total des opérations minières du projet, « ce qui aurait un impact sur la grande majorité de la main-d’œuvre restante ainsi que, potentiellement, un grand nombre de personnels employés par divers sous-traitants ».
La place de Sierra Rutile dans le secteur minier sierra-léonais
Dans son rapport publié en février dernier pour l’exercice 2023 (clos en décembre dernier), Sierra Rutile a indiqué que sa production de rutile a baissé à 112 600 tonnes, contre 136 000 tonnes en 2022. Elle a déclaré des revenus de 176,3 millions de dollars, en baisse par rapport aux 254,5 millions de dollars de l’exercice 2022. Elle a attribué ces baisses à la faiblesse de la demande de rutile (la tonne de rutile était à 1 371 $ contre 1 502 $ en 2022) et des problèmes d’approvisionnement en électricité sur son projet Area 1. La compagnie n’a pas publié de prévisions pour le nouvel exercice 2024, « en raison des conditions de marché et du différend avec l’État sierra-léonais ».
Un des fleurons de l’industrie minière en Sierra Leone, Sierra Rutile totalise à ce jour plus d’un demi-siècle dans l’exploitation minière et les gisements qu’elle détient peuvent encore être exploités sur plusieurs décennies selon plusieurs sources concordantes. En dehors des ressources restantes à Area 1, la compagnie travaille pour concrétiser le potentiel du projet Sembehun pour lequel elle a reçu un permis environnemental en janvier dernier. Selon l’étude de faisabilité définitive publiée en avril 2024 pour le projet, Sembehun disposerait de suffisamment de ressources pour soutenir une exploitation sur 14 ans, avec une production totale de 2,15 millions de tonnes de rutile, 1,24 million de tonnes d’ilménite et 107 000 tonnes de concentré de zircon. Un capital de 301 millions $ sera nécessaire pour développer le projet dont l’EBITDA sur toute la durée de vie est estimé à 1,7 milliard $.
Louis-Nino Kansoun
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