Le Ghana : la Côte d’or qui attire les étrangers

(Ecofin Hebdo) - De par sa croissance et son environnement, le Ghana attire de nombreux investisseurs, mais pas que. Des expatriés de plus en plus nombreux viennent s’implanter sur cette Cote d’or, espérant y faire fortune.

 

le point afrique

 

Ghana : ce pays qui fait craquer des Français

Stabilité, sécurité, croissance économique et douceur de vivre de l'ex-Gold Coast sont autant de raisons qui séduisent des expatriés. Et les Français ne sont pas les derniers...

C'est une rue résidentielle et arborée, tout près de l'océan. Un îlot paisible dans l'effervescence d'Osu (quartier central d'Accra) où seule résonne, ce samedi de septembre, la petite musique lancinante de la camionnette des éboueurs. « J'adorerais habiter ici, mais c'est trop cher ! » grimace Adrien Bouillot, chemise blanche et blazer de wax bleu, en se garant devant son lieu de travail. Estampillé Impact Hub, l'endroit ressemble vaguement à un loft avec ses fenêtres en acier noir. « C'est un espace de coworking amélioré, qui abrite aussi des programmes d'incubation dans le domaine de la santé », précise le fringant entrepreneur de 26 ans. Hormis quelques gamins venus se connecter au Wifi aux abords du bâtiment, le lieu est plutôt fréquenté pour un week-end. La salle de réunion est bondée, tandis que, à l'étage, l'open space s'anime doucement.

Dans cet environnement convivial et studieux s'est implantée en 2014 la jeune pousse Chalkboard. Cofondée par Adrien Bouillot et Miora Randriambeloma, elle partage son nom avec une application mobile d'éducation numérique (e-learning). « Chalkboard permet à des universités et à des ONG d'amplifier leur programme de formation, en le distribuant aux cibles qu'elles souhaitent. Elle fonctionne sans connexion internet et sur tous les téléphones, ce qui permet d'accéder facilement aux contenus », résume Adrien Bouillot. Un concept taillé sur mesure pour le Ghana, où ce Français venu « en touriste » en 2010, s'est mis en tête de s'installer. Bien lui en a pris ! Après une levée de fonds de 200 000 euros en 2017, Chalkboard emploie désormais 11 personnes à temps plein – majoritairement des Ghanéens –, et son chiffre d'affaires a doublé à chacun des trois premiers trimestres de 2018. Déjà présente en Côte d'Ivoire, la société vise désormais un développement sur tout le continent.

Essor de la tech ghanéenne

Une success-story ? « Un coup de chance », rectifie, prudent, Adrien Bouillot. Lequel argue d'un écosystème avantageux pour la tech : « On trouve ici le mégabit par seconde le moins cher d'Afrique, un débit internet très rapide, des incubateurs partout… Le Ghana, malgré sa petite taille, arrive à être en concurrence respectable avec le Nigeria dans les nouvelles technologies. » Et de faire défiler sur son téléphone les applis, souvent ghanéennes, qu'il utilise pour se déplacer, payer l'électricité, acheter des crédits téléphone ou internet, faire ses courses, commander un repas... « Les gens sont très connectés ici ! » assure-t-il. Après l'Afrique du Sud, le Sénégal et le Nigeria, le Ghana compte en effet avec le Kenya la plus grande part d'utilisateurs d'Internet et de smartphones par rapport à sa population, selon des données du Pew Research Center. L'e-learning, complète Adrien Bouillot, « est un marché estimé à environ 700 millions de dollars, et ce chiffre augmente de 20 % chaque année ».

Outre cette bonne santé des NTIC, le jeune entrepreneur apprécie au Ghana le niveau de formation, « très bon par rapport à la moyenne africaine ». Mais aussi, dans un autre registre, la musique et la liberté de presse. Sur 180 pays évalués dans le classement mondial de la liberté de la presse 2018 de Reporters sans frontières (RSF), le Ghana occupe d'ailleurs le 23e rang, devant l'Afrique du Sud (28), la France (33) ou le Royaume-Uni (40).

Le pari sur les énergies vertes

Jimmy, 26 ans aussi et chef de projet en installation solaire, démarche, quant à lui, depuis avril pour la société Tysilio, producteur indépendant d'électricité solaire basé à Aix-en-Provence. En Somalie et au Niger, elle s'est déjà positionnée en installant des panneaux solaires sur des bases militaires. Au Ghana, où la prospection a débuté en 2017, Tysilio vise des entreprises de taille intermédiaire : concessions automobiles, stations-service, voire sociétés minières. « Le contexte est intéressant pour nous, car il y a une réelle prise de conscience de l'enjeu des énergies solaires. Elles devraient constituer 10 % du mix énergétique en 2020 », explique Jimmy.

Un domaine dans lequel la Chine a ouvert le bal, avec la construction par Beijing Xiao Cheng Ghana de la ferme solaire de Winneba (20 MW), mise en service en 2016. À la mi-septembre, le président Akufo-Addo a inauguré une autre centrale photovoltaïque de 20 MW, construite, celle-ci, par le producteur indépendant d'énergie ghanéen Meinergy. Et ce n'est pas tout. Dans le Nord, plus pauvre et moins électrifié que la moyenne nationale (84 % de la population ghanéenne a accès à l'électricité, selon le ministère de l'Énergie), l'italien ENI développe une centrale à Tamale, tandis que le groupe pétrolier et gazier UBI projette de mettre en service en mars 2019 une des plus grandes fermes solaires d'Afrique, Blue Power Energy (100 MW pour commencer). La Volta River Authority, plus gros fournisseur d'énergie au Ghana, est également dans la course.

Le made in France, un avantage ?

Face à cette profusion de projets dans le renouvelable – à des fins de desserte du réseau national –, Tysilio se démarque par l'envergure, moindre, de ses projets (de 100 KW à 2 MW), et sa cible (le secteur privé). « Nous ne sommes pas directement compétiteurs », balaie Jimmy, qui compte aussi sur l'étiquette « France » pour faire mouche : « Même si on n'est pas perçu comme une grande puissance au Ghana, on est associé à une image de qualité, qu'on essaie de soigner. » « Le label France et plus généralement “Europe” est associé à des produits de qualité avec un service après-vente efficace », abonde Delphine Adenot-Owusu, directrice générale de la Chambre de commerce et d'industrie de France à Accra.

Pourtant, malgré le rapprochement français opéré vers des pays anglophones à fort potentiel de croissance (Nigeria, Kenya, Ghana), les relations franco-ghanéennes ont enregistré un net recul des échanges commerciaux ces 10 dernières années (- 33 % des exportations françaises vers le Ghana), et la balance commerciale reste déficitaire. Reste que le second semestre de 2017 invite à l'optimisme, avec une hausse des exportations françaises, portée par les secteurs des biens d'équipement, des produits agroalimentaires et des produits chimiques, parfums et cosmétiques.

Et si la France peine encore à capter les classes moyennes – qu'elle séduit, par exemple, au Nigeria –, Delphine Adenot-Owusu note un intérêt grandissant pour le Ghana. « De plus en plus d'entreprises françaises prospectent ici. Au-delà d'un taux de croissance (8,5 % en 2017) attractif, elles y trouvent du personnel qualifié et une économie diversifiée, avec comme piliers le cacao, l'or et le pétrole, ce qui est plus stabilisant qu'un pays qui ne dépendrait que d'une seule matière première. Le Ghana est aussi intéressant pour sa stabilité politique. Depuis 1992, les élections se déroulent dans la transparence, de façon démocratique. C'est enfin un pays agréable à vivre, ce qui présente un autre avantage pour une entreprise qui souhaiterait faire venir des expatriés. Tous ces critères en font un hub régional intéressant, y compris pour des entreprises qui souhaitent travailler en priorité avec d'autres marchés sous-régionaux. »

Des lourdeurs administratives

Sur la soixantaine d'entreprises françaises établies au Ghana, la plupart sont des grands groupes ou des filiales de grands groupes (Eiffage, Société générale, Bolloré, Total, Veolia, ou le groupe Mulliez avec l'ouverture d'un Décathlon en 2017), pour qui les barrières à l'installation sont peut-être moins dissuasives que pour des PME. « Si la mentalité est très favorable à l'entrepreneuriat, c'est plus dur au niveau des procédures, surtout pour un étranger. Il faut prévoir 500 000 euros de capital [contre 200 000 pour un Ghanéen, NDLR] et le processus de création de la structure, très long, doit être fait avec un avocat », souligne par exemple Adrien Bouillot, qui ne recommande pas de débarquer, comme lui, « avec 5 000 euros en poche ».

Mieux vaut « trouver un tissu solide de distributeurs pour commencer à se développer en sécurité et tester le marché avant de penser à l'implantation », veut rassurer Delphine Adenot-Owusu. Et de souligner que les PME françaises ont une fenêtre de tir « dans les différents processus de transformations des produits », le Ghana étant très axé sur la consommation locale et le développement d'usines.
Hausse de la francophonie ?

La francophilie affichée du président Akufo-Addo – ancien avocat spécialisé dans les droits de l'homme ayant exercé à Paris – pourrait-elle favoriser les échanges avec les entreprises tricolores ? C'est certainement à lui qu'on doit l'adhésion du Ghana à l'Organisation internationale de la francophonie, en tant que membre associé, en 2006. L'actuel chef de l'État était alors ministre des Affaires étrangères. « On voit progresser l'idée selon laquelle parler français est un atout dans le champ professionnel et commercial », note Julie Fournier, attachée de coopération à l'ambassade de France du Ghana. Un atout, vu notamment la situation géographique du Ghana, cerné de pays francophones. « Le président ghanéen s'est exprimé en faveur d'une généralisation du français dans le système éducatif, mais, pour atteindre cet objectif, d'importants efforts financiers devront être consentis pour la formation initiale et continue des enseignants ainsi que pour la mise à disposition de ressources pédagogiques », ajoute-t-elle.

Des affinités culturelles

En attendant, la barrière de la langue n'affecte en rien la proximité entre les quelque 1 200 Français résidant officiellement au Ghana et leurs hôtes. Nombre d'entre eux expliquent même s'y sentir bien culturellement. Adrien Bouillot loue l'humour twi (langue akan la plus parlée au Ghana) et « la fluidité des échanges » dans le travail ; Jimmy décerne, lui, une mention spéciale au gari foto (recette à base de farine de manioc, tomate, oignons et œufs)… Benjamin Lebrave, fondateur du label Akwaaba Music (« bienvenue » en langue twi) et soucieux de « montrer la diversité des musiques d'Afrique » – trop souvent cantonnées à la « world » léchée ou à l'afrobeat –, observe au Ghana une créativité et une capacité de recyclage du highlife, véritable bande-son du pays depuis près d'un siècle, qui continuent de le sidérer.

Débarqué en 2011 de San Francisco où il était distributeur de musique sur Internet, ce Franco-Américain de 38 ans ne connaissait rien au Ghana « à part quelques vidéos sur YouTube ». Il a été séduit par l'environnement. Musical, mais pas seulement. « La 3G sur le téléphone », « la courtoisie et la politesse » et un « système plus libéré de la colonisation » l'ont convaincu de s'établir à Accra, lui qui visait plutôt « un pays anglophone ». En 7 ans, il a vu de nombreux aspects évoluer, dans la vie nocturne – il recommande quantité de clubs où découvrir les musiques urbaines ghanéennes, même si sa préférence va « aux maquis de base où le son est bon aussi » – la nourriture locale, les infrastructures… et « tout ce qui a un certain standing ». Des changements portés, aussi, par la classe moyenne émergente, surtout représentée dans la capitale, Accra.

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