Cyril Ramaphosa : l’homme que Nelson Mandela aurait voulu pour successeur

(Ecofin Hebdo) - Cyril Ramaphosa a rendez-vous avec l’histoire. Chef de l’assemblée constituante sud-africaine, il était le choix de Nelson Mandela pour lui succéder en 1999. Mais les choses ne se sont pas passées comme prévues. Pourtant, 20 ans plus tard, l’homme d’affaires semble en bonne position pour réparer une erreur de l’histoire.

Ce 18 décembre 2017, Cyril Ramaphosa est tout sourire. Il vient d’être élu président du Congrès National Africain (ANC) en obtenant 2440 voix des délégués et cadres du parti, contre 2261 pour Nkosazana Dlamini-Zuma, ancienne présidente de la commission de l’Union africaine et ex-épouse du président Jacob Zuma.

Choix de Nelson Mandela en 1999, l’homme d’affaires a pourtant dû s’éloigner pendant deux décennies de la vie politique de la nation arc-en-ciel. Chef du parti au pouvoir, à deux ans des prochaines présidentielles, l’ancien secrétaire général du syndicat des mineurs est plus proche qu’il ne l’a jamais été de poser ses valises à Mahlamba Ndlopfu, la résidence officielle des présidents sud-africains.

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Jacob Zuma, Cyril Ramaphosa et Nelson Mandela en 1993.

 

L’enfant de Soweto

Pour remonter aux origines de Cyril Ramaphosa, il faut se rendre à Soweto. C’est dans ce Township historique par son rôle dans la lutte contre l’apartheid qu’est né l’actuel président de l’ANC, le 17 novembre 1952. Son père, un policier, mettra tout en œuvre pour le sortir du ghetto. Ainsi, à 20 ans, Cyril Ramaphosa part à Pietersburg dans le Transvaal pour étudier le droit à l'université de Turfloop, réservée aux Noirs.

Il sera arrêté à deux reprises pour avoir mené des manifestations qui le conduiront en prison pour 11 mois en 1974 et 6 mois en 1976.

S’il est loin de son ghetto natal, le jeune homme n’en perd pas pour autant l’état d’esprit révolutionnaire propre à Soweto. Dès son arrivée à l’université, il milite à la tête d'organisations étudiantes. Il sera arrêté à deux reprises pour avoir mené des manifestations qui le conduiront en prison pour 11 mois en 1974 et 6 mois en 1976.

En 1981, il obtient son diplôme d'avocat et il est embauché par le Conseil des syndicats sud-africains (CUSA) comme conseiller juridique. L’année suivante, il est élu à la tête du National Union of Mineworkers (NUM), le syndicat des mineurs.

« Cyril Ramaphosa a travaillé comme un fou pendant cette période. Il traversait le pays, allait de mine en mine pour convaincre les ouvriers, se confrontait aux managers. Il dormait même dans sa voiture »

A une époque où les syndicats n’avaient pratiquement aucune influence en Afrique du Sud, la taille et l’activité du NUM oblige les patrons des mines à le reconnaitre en 1984. « Cyril Ramaphosa a travaillé comme un fou pendant cette période. Il traversait le pays, allait de mine en mine pour convaincre les ouvriers, se confrontait aux managers. Il dormait même dans sa voiture », se souvient Adrien Duplessis, ancien directeur de la Chambre patronale des mines qui a affronté le jeune avocat à plusieurs reprises.

leader syndical

En 1987, il lance la plus grande grève de l'histoire sud-africaine.

En 1987, il lance la plus grande grève de l'histoire sud-africaine et fait chanceler le patronat de la nation arc-en-ciel. Cet épisode est à la base de l’incroyable popularité de l’homme auprès des classes ouvrières.

 

Fils prodigue de l’ANC

En 1989, en pleines négociations pour mettre fin à l’apartheid, Cyril Ramaphosa, qui joue un rôle capital dans le processus, rend visite à Nelson Mandela en prison. Ce dernier est si impressionné par le jeune homme qu’il l’implique dans presque tout ce qu’il fait. En 1990, à la sortie de prison de Madiba, Cyril Ramaphosa est présent à ses côtés. Devenu président, Nelson Mandela souhaite même que le jeune avocat, qui sera élu député en 1994, lui succède.

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Devenu président, Nelson Mandela souhaite même que le jeune avocat, qui sera élu député en 1994, lui succède.

Conscient des attentes du président, Ramaphosa se donne corps et âme, se signalant notamment par son rôle à la tête de l’assemblée constituante ayant abouti à la constitution de 1996. Malheureusement pour lui et malgré tous ses efforts, c’est Thabo Mbeki qui sera choisi lors des primaires de l’ANC en 1997. Il est logiquement élu président deux ans plus tard. 

Déçu, Cyril Ramaphosa, s’éloigne de l’ANC et de la politique pour se consacrer aux affaires. Il bénéficie du Black Economic Empowerment, une politique de discrimination positive, mise en place pour aider les entrepreneurs noirs, et de ses connexions tissées au fil des années. Il entre dans les conseils d’administration de grands groupes, avant de créer sa holding, Shanduka.

Il bénéficie du Black Economic Empowerment, une politique de discrimination positive, mise en place pour aider les entrepreneurs noirs, et de ses connexions tissées au fil des années.

A la tête de ce fonds d’investissement, il achète des parts dans les mines, le secteur de l’immobilier, et devient l’importateur de Coca-Cola et de McDonald’s en Afrique du Sud. Bientôt, il devient l’un des hommes les plus fortunés de son pays et du continent africain. En 2015, sa fortune personnelle s’élevait à 450 millions de dollars, selon Forbes. Malgré tout, il refuse de revenir à la politique. Finalement il cède aux appels de nombreux membres de l’ANC, réclamant le retour d’un des héros de l’histoire du parti et du pays. En 2012, Cyril Ramaphosa est élu vice-président de l’ANC. En 2014, Jacob Zuma le nomme vice-président d’un gouvernement qui va accumuler les casseroles et susciter un profond désamour du peuple.

Curieusement Cyril Ramaphosa réussit à se tenir loin des scandales et si ce n’était Marikana, il aurait presque pu être considéré comme l’oie blanche de l’ANC.

 

Ramaphosa, blanc comme neige, vraiment ?

Alors que Jacob Zuma est empêtré dans des scandales et que son gouvernement traine d’innombrables casseroles, le vice-président Cyril Ramaphosa bénéficie lui d’une réputation d’incorruptible. Il est aux yeux du peuple, blanc comme neige.

Pourtant en 2012, alors qu’il siège au conseil d’administration de la mine de Marikana, l’ancien secrétaire général du syndicat des mineurs aurait appelé à l’intervention des forces de l’ordre durant une grève. 34 mineurs tombent sous les balles de la police. Etonnamment, cela n’entache pas la réputation du nouveau président de l’ANC.

Alors qu’il siège au conseil d’administration de la mine de Marikana, l’ancien secrétaire général du syndicat des mineurs aurait appelé à l’intervention des forces de l’ordre durant une grève. 34 mineurs tombent sous les balles de la police.

Selon les générations, il est un héros du syndicalisme noir et de l’apartheid, ou un homme d’affaires à succès. Le fait de n’avoir aucune connexion réelle avec les Gupta ou autres fréquentations douteuses de Jacob Zuma est l’une des principales raisons de son élection à la tête de l’ANC. D’ailleurs la principale promesse de l’ancien chef du syndicat des mineurs est de mettre fin à la corruption, une fois à la tête de l’Etat.

 Cyril Ramaphosa exchange words with young ANC supporter in Braamfischer

Il est aux yeux du peuple, blanc comme neige.

L’histoire nous dira si les attentes placées en celui que Nelson Mandela désignait comme « le meilleur » pour lui succéder, seront satisfaites. En attendant, Cyril Ramaphosa sourit, 20 ans après sa déception de 1997, il a enfin toutes les cartes en main, ou presque, pour devenir président de l’Afrique du Sud.

 

Servan Ahougnon

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