(Agence Ecofin) - La transformation numérique et la montée en puissance des Fintech offrent à l’Afrique une formidable opportunité de vaincre la pauvreté, mais selon les choix qui seront faits, elles peuvent aussi remettre en cause des années de progrés réalisés par les institutions traditionnelles en matière d’inclusion financière et sociale, estime Graham Wright, Directeur général de MicroSave Consulting : « Nos décisions détermineront maintenant si nous créons une fracture numérique entre les plus riches et les pauvres - ou si nous créons des économies et des sociétés vraiment inclusives » estime-t-il dans une note de blog.
La révolution numérique
Selon la Société financière internationale, la transformation digitale d’Equity Bank au Kenya, que MicroSave Consulting a accompagnée, a permis à la banque de réduire de 80% le coût annuel de son service à la clientèle. Pour McKinsey, la transformation digitale des institutions financières pourrait augmenter leurs revenus nets annuels de 45% : 15% grâce à l'amélioration de l'adoption des produits et 30% grâce à la réduction des coûts d'exploitation.
De plus, la digitalisation offre aux banques et aux institutions de microfinance (IMF), de nouveaux outils pour exploiter aux mieux leurs historiques de données sur le comportement financier de leurs clients afin de leur offrir des solutions et des canaux de distribution parfaitement adaptés à leurs comportements et à leurs modèles mentaux.
Pour les IMF, la digitalisation permet également de relier les services financiers de base à l'économie réelle. « MicroSave Consulting travaille au développement de l'agriculture de précision, en Inde, en associant l'agriculture à la finance. Dans le cadre de ce projet, des données sont recueillies sur l'exploitation agricole et la qualité du sol d'un agriculteur, ainsi que sur les semences, les engrais et les pesticides qu'il ou elle a acheté. Cela permet aux chats bots équipés de l'intelligence artificielle de fournir un coaching sur mesure pour optimiser à la fois les rendements et les prix que l'agriculteur obtient sur le marché.» explique Graham Wright.
Toutefois, en dépit de ces nombreux atouts, le chemin vers la transformation digitale comporte quelques obstacles et menaces qu’il ne faudrait pas sous-estimer.
Ni simple ni bon marché
D’une part, la transformation digitale d’une banque ou d’une IMF n’est ni simple ni bon marché à réaliser. Celle d’Equity Bank s’est étalée sur pas moins de 8 ans : « MicroSave Consulting a travaillé aux côtés de la banque à partir de 2010 pour développer la stratégie, affiner les produits, construire le système de gestion du réseau d'agents, réfléchir au marketing et à la communication, et coordonner le processus de gestion du changement. Huit ans plus tard, la banque est complètement transformée. Il s'agit véritablement d'une banque digitale aujourd'hui - efficace, adaptée aux besoins des clients et suffisamment flexible pour répondre aux besoins individuels des clients. » rappelle le DG.
Menace sur les IMF
D’autre part, l’explosion des Fintech exerce une dangereuse pression sur les IMF traditionnelles. Des analyses de données sophistiquées qui s'appuient souvent sur de solides ressources, permettent aux Fintech de mieux gérer leurs risques et d’offrir des crédits facilement accessibles en quelques minutes. «Pourquoi retourner dans mon IMF alors que je peux obtenir un prêt à tout moment en 5 minutes ? Et je peux payer par téléphone depuis mon bureau quand je veux, au lieu d'assister à des réunions de groupe interminables», reconnaît un emprunteur.
Seulement, l’approche des Fintech concerne une clientèle située dans les zones urbaines et périurbaines dotées de la connectivité, de smartphones et de la possibilité d'acheter des données. Ainsi concurrencées par les Fintech sur les marchés les plus rentables, petit à petit, les IMF traditionnelles sont reléguées aux zones rurales avec une connectivité médiocre, où les populations n’ont pas de smartphones, sans possiblité d’acheter des paquets de données.
Le développement des Fintech pourrait, si l’on y prend pas garde, « entraîner la disparition des services financiers pour les pauvres des régions rurales, où l'analyse de rentabilisation est très difficile, surtout si on la compare aux possibilités diverses et peu coûteuses de desservir le marché urbain branché et à plus forte valeur ajoutée. En bref, cela pourrait mettre fin à des années de progrès vers l'inclusion financière et sociale.» avertit MicroSave Consulting.
La solution n’est évidemment pas de freiner l’évolution très bénéfique des Fintech, mais de soutenir davantage la transformation digitale des IMF dans les zones rurales, pour leur permettre de fournir aux personnes à faibles revenus des services financiers et sociaux rapides, réactifs et différenciés, ainsi que des conseils spécifiques pour optimiser les rendements de leurs exploitations agricoles ou de leurs entreprises. « L'ère numérique est à nos portes, le train est à quai, le billet n'est pas gratuit, la destination finale n’est pas encore connue mais le voyage sera passionnant. Rater ce train serait une erreur stratégique. » conclut Graham Wright.
DF
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