RD Congo : le pari fou de Serge Nawej pour libérer le gigantesque potentiel des entrepreneurs congolais

(Ecofin Hebdo) - Serge Nawej, avocat d’affaires international spécialisé sur l’Afrique, s’est lancé dans un projet à la démesure de son pays, la RDC : faire de la Commission nationale des jeunes entrepreneurs du Congo une méga-entreprise. Son projet: coaliser plus de 30 000 jeunes entrepreneurs congolais pour tirer parti, collectivement, du formidable potentiel d’affaires de leur pays. Leur carte de membre : une carte de crédit. Leur outil commun : une grande plateforme commerciale de communication et de services. Leurs cibles: les mines, l’agriculture, les TIC et même la banque… Me Nawej ressemble à son pays : il faut fournir un certain effort pour bien l’appréhender, mais au final, ceux qui le liront jusqu’au bout devraient y trouver leur compte… Accrochez-vous !

Agence Ecofin : Qu’est-ce qui peut bien pousser un avocat d’affaires de calibre international à prendre la tête d’une structure associative comme la Commission nationale des jeunes entrepreneurs (CNJE) de RDC ?

Serge Nawej : Le hasard des rencontres et finalement le fruit de la reconnaissance d’une certaine réputation. A vrai dire, je n’ai pas choisi spontanément de mener une bataille de plus, ou une entreprise de plus, dans un agenda aussi chargé que le mien. Je crois comprendre que le travail exceptionnel mené par Nicole Sul au sein d’un groupe de femmes et d’hommes d’affaires dénommé MAKUTANO a largement pesé dans la balance. J’ai en effet été parmi les premiers à réfléchir avec Nicole à ce concept qui aujourd’hui prend de plus en plus forme et commence à se définir autour de plusieurs axes qui se précisent au fur et à mesures des discussions, parfois animées, que nous avons sur un forum donné. D’un point de vue plus personnel, je pense que cela rencontre ma volonté d’apporter un peu de cette expérience que je crois avoir marginalement accumulée, et que je souhaite retransmettre dans le contexte de la RDC qui est particulièrement mal compris, même des Congolais eux-mêmes.

Ce titre de « Président » est pour certains une ligne prestigieuse sur un CV, mais pour une personne ayant comme moi une aversion des titres, sans en remettre en cause le prestige, c’est une coquille vide que je dois remplir, façonner et pérenniser, au-delà de ma personne. Elle vient avec d’autres responsabilités puisque je suis également administrateur et membre du comité de direction de la Fédération des Entreprises du Congo dont la CNJE constitue une commission dont l’originalité surprendra.

Ma vision n’est résolument pas celle de la conception classique que l’on accorde au terme « associatif », mais bien de celle de l’entreprenariat et du développement de l’affectio societatis au sein même de l’organisation. J’avoue qu’avec cette vision, je prends des risques dans l’environnement congolais, mais je conçois, même si ce devait être à tort ou contre vents-et-marées, la CNJE comme un projet commercial particulier (se voulant commercialement rentable), puis comme une entreprise filiale d’une organisation appelée à se renouveler de la manière la plus consensuelle possible. J’y attache donc un degré d’autonomie qui, à ce jour, n’est pas remis en cause d’ailleurs par la « Mère ». Pourvu que ça dure...

En réalité, c’est un défi supplémentaire duquel je sortirai personnellement grandi ou perdrai des plumes, mais aurai sans nul doute accumulé du savoir pour mes prochaines entreprises ou attributions. L’échec ne me fait absolument pas peur car il sert toujours, dans une certaine mesure, lorsque l’on apprend à faire la somme des éléments qui y ont concouru.

« Cette entreprise est également une occasion de tester la volonté de mes semblables de passer de la parole aux actes, de sonder notre capacité à travailler ensemble derrière une vision que l’on peut enrichir à tout moment pour un succès voulu collectif. »

Cette entreprise est également une occasion de tester la volonté de mes semblables de passer de la parole aux actes, de sonder notre capacité à travailler ensemble derrière une vision que l’on peut enrichir à tout moment pour une succès voulu collectif. Un peu comme si l’on formait un gouvernement. A ce sujet j’ai déjà appris beaucoup sur la volonté, la motivation et l’implication des uns et des autres. La CNJE doit être une œuvre collective dont j’assumerai volontiers et seul l’échec tout en partageant la certaine réussite avec la FEC et mes collègues. A ce titre, je prendrai le temps qu’il faudra pour établir des bases solides et faire éclore une plateforme efficace, reconnue et pérenne, à l’image de ce qui vous pousse à me considérer comme « un avocat de calibre international ».

Agence Ecofin : Comment peut-on faire du business en RDC dans le contexte politique aussi tendu qu’incertain, qui prévaut depuis plus de deux ans ?

Serge Nawej : J’ai coutume de faire référence à un entrepreneur belge, flamand plus précisément, que je cite (plus précisément paraphrase) qui disait : « Cela fait 40 ans que j’entends dire que l’Afrique est en crise. Si une crise est aussi longue, c’est qu’il n’y a pas de crise mais un état de fait ou, en somme, un état normal. Je gagne de l’argent en Afrique depuis que j’ai compris cela. Je me suis adapté et ça fonctionne très bien ».

Faire des affaires, pour moi, signifie dans une certaine mesure prendre des risques. Nos sociétés modernes ont tellement objectivé le caractère commercial des affaires pour le réduire à des équations mathématiques, statistiques froides ou insipides, réduisant ainsi la notion de risque, de perte et de responsabilité à ce qu’elle a de plus frileux.

La question devrait, en ce qui concerne la RDC, être posée différemment : pourquoi donc des individus censés et cohérents ne se précipitent-ils pas, ni ne forment des masses critiques, pour investir et s’investir en RDC ?

La question devrait, en ce qui concerne la RDC, être posée différemment : pourquoi donc des individus censés et cohérents ne se précipitent-ils pas, ni ne forment des masses critiques, pour investir et s’investir en RDC ?

Le contexte politique, vous me répondrez. Et pourtant on voit bien que cela n’empêche pas certaines familles, voire des miniers reconnus, ni d’investir, ni de tirer directement ou indirectement profit de leurs investissements en RDC. La question du contexte politique est en somme un faux problème pour moi. Tout cela relève de notre culture, à vous et moi, très francophone, et probablement de notre incapacité en tant que francophone de nous organiser, que dis-je, à nous coaliser afin de réaliser des investissements de grande envergure dans ce pays. La vérité est que nous n’en avons tout simplement pas la capacité et donc nous préférons blâmer le contexte politique, voire un seul individu.

« Tout cela relève de notre culture, à vous et moi, très francophone, et probablement de notre incapacité en tant que francophone de nous organiser, que dis-je, nous coaliser afin de réaliser des investissements de grande envergure dans ce pays. »

Cela-dit, il est certain que le contexte ou la dramatisation qui en est faite n’est pas propice à la réalisation de bon nombre de projets, particulièrement internationaux. Mais que représente réellement ces projets en nombre de transactions ? La vérité, sans en avoir fait une étude statistique, est que ces projets sont marginaux. Or 80 Mio de personnes doivent se vêtir, se nourrir, communiquer, en dépit de la situation politique. Les transactions qui en découlent sont aussi importantes que celles qui attirent l’attention des médias et elles génèrent plus d’emplois. En tant que Congolais, nous devons le comprendre, et la politique de visas et autre frein aux déplacements vers l’Europe nous a fait, pour beaucoup, prendre conscience du fait que nous n’avons d’autre choix que d’évoluer dans cet environnement que nous rendrons certain pour nous-mêmes, et contribuerons à rendre certain pour la réalisation optimale des transactions qui font la une des journaux et la fortune des acteurs occidentaux. En tout cas, c’est ma philosophie et croyez-moi, j’arrive parfaitement à faire depuis Kinshasa ce que je faisais depuis Bruxelles ou ailleurs. C’est un peu plus cher et il faut réapprendre à être patients avec les ressources humaines et internet, mais la gratification de voir les gens évoluer et acquérir le savoir-faire constitue également un élément de ma motivation personnelle.

« En gros c’est presque un acte politique de continuer de se battre pour que les affaires se réalisent quel que soit le contexte politique. Nous ne pouvons pas, ou plus, être pris en otage par des faiseurs d’opinion ou des politiques, de quelques horizons soient-ils. »

En gros, c’est presque un acte politique de continuer de se battre pour que les affaires se réalisent quel que soit le contexte politique. Nous ne pouvons pas, ou plus, être pris en otage par des faiseurs d’opinion ou des politiques, de quelques horizons soient-ils. En tant que Congolais je le ressens comme une obligation, même si je dois avouer que certains pays sont bien plus faciles, et parfois plus accommodants vis-à-vis de mes activités. Mais on n’est jamais mieux ailleurs que chez soi.

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« C’est ma philosophie que l’on aime ou pas. »

Agence Ecofin : Quel est aujourd’hui le principal obstacle au développement des entreprises en RDC ?

Serge Nawej : Schématiquement je citerai les points suivants qui constituent globalement un obstacle au regard de leur caractère inter-lié :

- La formation scolaire comme professionnelle (en ce compris l’absence de modules reconnus de formation continue) ;
- La méconnaissance ou le manque de maitrise des règles juridiques dont la conséquence est la persistance du caractère informel de notre économie et le terreau de décisions judiciaires ou administratives ubuesques ;
- L’accès au financement et la compréhension du système financier. Les banques principalement, ne jouent pas le rôle qu’il pourrait être attendu de telles institutions dans d’autres contextes. Le private equity/venture capital demeure timide mais s’imposera au fur et à mesure de la formalisation de l’économie qui est, en tout état de cause, favorisée par les nouvelles technologies ;
- Le système fiscal est particulièrement complexe et inadapté aux défis des entrepreneurs, et contribue, de par son instrumentalisation, à limiter la volonté des entrepreneurs de faire le pas vers une formalisation qui en théorie est la première base pour espérer se financer au-delà des limites auquel on se heurte en recourant à l’autofinancement (personnel ou familial);
- La recherche de la facilité, la société ne valorise plus le travail, mais met en avant l’argent (facile) qui devrait être, dans ma conception, le fruit d’un travail bien fait ou à tout le moins satisfaisant. Il en résulte une mentalité de « petits commissionnaires » chez les entrepreneurs potentiels comme chez les fonctionnaires de l’état…;
- Les ressources humaines constituent également un sujet lorsque que l’on recherche des qualifications données et pérenne. En effet, au-delà de la formation, le manque de constance, ainsi que la mentalité d’« assistés primaires » ( ou de fataliste décomplexé) qui se retrouvent dans toutes les couches de la société sont un véritable problème pour la réalisation d’une œuvre de long terme. C’est en soi une bonne nouvelle pour les travailleurs expatriés ou pour les membres de la diaspora réellement qualifiés (je ne dis pas diplômés) capables de résister aux sirènes de la facilité (sourire) ;
- L’absence de mesures incitatives au profit de locaux ou une conception de ces dernières trop imparfaites.

La réponse classique à la question aurait sans doute consisté à mentionner la corruption. Comme pour l’argent, elle n’est à mon sens qu’un symptôme de la maladie, un des plus faciles à diagnostiquer, difficile à traiter, impossible à éradiquer complètement. En traitant au mieux la maladie sous-jacente on peut, cependant et au mieux, éviter sa récurrence sous les formes les plus sévères.

Agence Ecofin : Et le principal avantage ?

Serge Nawej : Les opportunités et le caractère quasi monopolistique de certains secteurs d’activités, ou du moins la possibilité de créer ce caractère lorsque l’on réussit à pénétrer un marché donné par effet d’un produit proposé, d’un service, ou de la qualité de ces derniers, qui parfois permettra de créer une niche qui pourra être préservée relativement longtemps, moyennant de la démonstration d’une certaine habileté. C’est en cela que certains se réjouissent de la perception communément véhiculée du pays car ils préservent leur niche de la concurrence sérieuse.

« Comment ignorer le potentiel agricole, minier, aquifère et humain d’un tel pays si ce n’est par le truchement d’une certaine mauvaise foi ou visée mal intentionnées (laissons-les s’empêtrer pour récupérer leurs richesses à vil prix) ? »

Au-delà, comment ignorer un marché de plus de 10Mio d’habitants à Kinshasa et 80mio sur tout le territoire (il suffit de penser, réfléchir, conceptualiser et proposer un produit ou service (même numérique) qui se vendrait quotidiennement à 10% de la population pour espérer générer des sommes inimaginables et créer des emplois, générer des impôts, favoriser la mise en place d’infrastructures…) ? Comment ignorer le potentiel agricole, minier, aquifère et humain d’un tel pays si ce n’est par le truchement d’une certaine mauvaise foi ou visée mal intentionnées (laissons-les s’empêtrer pour récupérer leurs richesses à vil prix) ?

Agence Ecofin : Combien d’entrepreneurs sont membres de la CNJE à ce jour ?

Serge Nawej : Pour que je puisse avoir des entrepreneurs qui n’en aient pas que le nom, mais la qualité également, il me faut des outils ou une value proposition qui va me permettre d’avoir ces entrepreneurs qui rencontrent mes critères mais aussi ceux communément admis à la FEC.

Nous testons les outils en question et devrions démarrer l’enrôlement de nos entrepreneurs autour d’une value proposition que nous préciserons. Nous envisageons, selon nos prévisions d’enregistrer +/- 30K jeunes, entrepreneurs ou désireux de le devenir. Nous disposons d’ores et déjà de bases de données grâce au travail remarquable de la Commission nationales des femmes entrepreneurs dirigée par sa très efficace présidente Madame Eliane Mukeni, également Vice-Présidente de la FEC.

« Nous avons aussi bénéficié de conseils avisés de personnes clefs notamment de trois "milliardaires" africains et américain qui comptent parmi mes mentors. »

Dans la mesure où j’entends mettre en œuvre une commission qui survivrait aux individus, je ne suis absolument pas pressé et prends les critiques avec autant de plaisir que de recul, pour ceux qui estimeraient que nous n’avançons pas assez vite. J’ai, depuis ma prise de fonction, conceptualisé ma vision et mon plan d’action, voyagé en Afrique du Sud, en Roumanie, en Grèce, au Portugal, aux USA, en passant par le Brésil et Doha, afin de mener à bien mon travail de construction d’une institution organisée, connectée et efficace. Nous avons aussi bénéficié de conseils avisés de personnes clefs notamment de trois « milliardaires » africains et américain qui comptent parmi mes mentors et d’autres personnes dont nous mentionnerons les noms en temps utiles mais qui sont reconnus mondialement pour leur travail.

Agence Ecofin : De quels moyens dispose la CNJE ? Etes-vous soutenu financièrement par des partenaires privés ou publics ?

Serge Nawej : A ce stade mon portefeuille souffre et mon épouse fait les comptes… Plus sérieusement, au-delà d’une quelconque volonté exprimée de travailler comme une entreprise, je pense que la CNJE n’a d’autre choix que d’embrasser une mentalité d’entrepreneur et pour se crédibiliser, démontrer qu’elle-même a pu ou su dépasser les barrières que rencontrent les jeunes que nous désirons attirer. Nous n’en serons que plus appréciés.

Nous avons à ce sujet entamé une collaboration avec Keza Advisory Services, dirigée par Madame Leila Akahloun (international development professional) qui a une expérience dans la levée de fonds, afin d’identifier les sources internationales de financement disponibles pour les jeunes et les femmes, et nous assister une fois nos pilotes testés avec satisfaction dans la levée de fonds.

« La carte de membres CNJE sera une carte bancaire ou de crédit, co-brandée, voire sponsorisée. »

Nous avons également bénéficié du concours de la société Papersoft qui nous assiste dans la mise en place de notre plateforme commerciale, de communication et de services (value proposition). Nous avons testé le modèle et sommes relativement confiants quant à la pertinence de notre approche « de partage de revenus » avec nos partenaires bancaires ou émetteurs de cartes co-brandées. La carte de membres CNJE sera une carte bancaire ou de crédit, co-brandée, voire sponsorisée. L’idée est de confronter les jeunes au monde de la finance en commençant par les produits bancaires et l’historique qu’ils se créeront, étant plus facilement connus de leur banque ou institution financière. Notre modèle étant fondé sur le partage de revenus mais également viral et s’appuyant sur une technologie Papersoft unique et éprouvée de client onboarding, nous allons par ailleurs permettre à plusieurs jeunes, membres de la CNJE, de générer également des revenus, voire de constituer de vraies agences bancaires (sur le modèle du Agency banking), dédiées dans un premier temps aux produits et services CNJE & Co.

Une partie des revenus générés par la CNJE sera consacrée à son fonctionnement mais également à alimenter un fond qui sera proposé à la gestion de professionnels du métier. Nous voulons de la sorte financer l’activité des jeunes dans des domaines bien précis tels l’agriculture, les nouvelles technologies, les mines, les assurances et la banque.

A ce stade cependant, nous fonctionnons sur fonds propres et sur les maigres ressources que mes vice- présidents et moi-même, allouons. Nous pouvons cependant chiffrer les sommes investies à plus ou moins 100KUSD depuis ma prise de fonction et nous avons un besoin immédiat d’environs 250KUSD pour débuter nos activités, qui seront rentables, selon notre plan, dès que nous aurons atteint 30K membres, payant une cotisation annuelle que nous plafonnerons dans un premier temps à 50USD par individu effectuant au moins deux opérations. Ce sont à mon sens des sommes qui devraient être facilement réunies au sein d’une institution comme la FEC…

Bien entendu, pour en revenir à la plateforme, des services sont envisagés comme la mise à disposition d’une data room virtuelle, des formations, des avantages (programme de loyauté), services juridiques de premier rang (première consultation gratuite), un ranking des entreprises... La base de données qui en résultera pourra être consultée par des tiers moyennant paiement, et une plateforme de mise en relation sera mise en place.

Les membres pourront, moyennant paiement automatisé, le cas échéant, faire certifier leurs documents par des cabinets d’avocats ou notaire dûment sélectionnés. L’objectif est de permettre des investigations et due diligences fiables par toute personne ou entités qui seraient intéressées. Bien entendu les accès à la data room sécurisée que nous proposons de la sorte à nos membres seront validés par le propriétaire des données, particulièrement pour les données qui ne sont pas accessibles publiquement. La certification, elle, permettra d’apporter un confort supplémentaire à toutes les parties.

La vocation est également de prendre des participations dans certains projets au travers d’un ou plusieurs véhicules d’investissements qui seront créés en temps utile et au gré des besoins et y compris en dehors de la RDC.

« Un des objectifs, avec la mise en place d’un outil favorisant l’organisation, le référencement et la promotion des entreprises, est en outre d’œuvrer à la préfiguration de ce qui pourrait nous amener vers une plateforme boursière. »

Un des objectifs, avec la mise en place d’un outil favorisant l’organisation, le référencement et la promotion des entreprises, est en outre d’œuvrer à la préfiguration de ce qui pourrait nous amener vers une plateforme boursière. Nous avons des discussions informelles avec des acteurs en Afrique de Sud grâce à l’entremise d’un de mes mentors dont j’ai fait allusion ci-avant. Le mentoring en cela est important.

La bonne nouvelle est que techniquement nous sommes prêts, mais mon désir d’impacter utilement me pousse à toujours retarder le lancement officiel de nos activités sur terrain. Mon intuition, puisque les affaires c’est aussi cela, se confirme compte tenu de l’enrichissement que connait notre projet. J’ai bon espoir de lever les fonds qui nous permettraient de travailler sereinement très bientôt, et suis intéressé d’associer tout acteur local ou international qui pourraient se reconnaitre dans notre approche. Le train est en marche…

Agence Ecofin : Qu’est-ce que la CNJE peut apporter à un jeune entrepreneur qui veut se lancer ? l’aider à préparer son projet ? à trouver un financement ou des partenaires ? le former au management ?

Serge Nawej : Je vois que vous me suivez parfaitement, c’est justement tout cela que nous souhaitons apporter mais de manière efficace. Nous ne sommes pas les premiers à avoir tenté l’aventure mais nous nous devons d’avoir un impact important eu égard à la nature de l’organisation de laquelle nous émanons et la qualité des membres exécutifs de la commission.

Ayant présidé au succès en RDC et en Afrique de plusieurs projets et entreprises, ou empêché des investisseurs de sombrer dans le Congo bashing en raison de leur mécompréhension de l’environnement local, et par là même leur impréparation ou inadéquation, j’ai, dans mes petites notes, rédigé une recette que je m’applique personnellement et que je vais mettre en œuvre pour le bien collectif en espérant impacter utilement.

La technologie est centrale dans cette approche, particulièrement dans un pays où les infrastructures sont pauvres. Mon souhait est de travailler non seulement avec les MNO (telco) mais aussi avec des institutions comme, par exemple, la Poste qui, je crois, est résolue à se relancer de manière fort pertinente. Nous pouvons nous avérer complémentaires. Un accès privilégié à nos ressources, offert à nos membres, est primordiale, même en l’absence de data. Gageons que ce pourrait être un moyen pour les MNO et fournisseurs d’accès de réaliser leurs obligations CSR. Nous testerons leur bonne foi.

Nous voulons également donner la possibilité aux jeunes désireux de se former d’avoir accès à des ressources à cet effet. Nous allons négocier en temps utiles avec des organisations comme African Leadership University et d’autres universités, anglo-saxonnes comme francophones. L’idée est de proposé des tutoriels, de la littérature et même d’aider à obtenir des bourses pour ces universités. Nous négocierons à cet effet avec Addictest et d’autres.

« Mon souhait est de travailler non seulement avec les MNO (telco) mais aussi avec des institutions comme, par exemple, la Poste qui, je crois, est résolue à se relancer de manière fort pertinente. »

Je vais entamer, avec le concours de Papersoft et de Shawej, un véhicule d’investissement auquel je suis lié, la phase de road show et contractualisation, maintenant que nous clôturons avec satisfaction la phase de test de notre plateforme. Cette dernière sera bien entendu évolutive et s’étoffera au fur et à mesure de la mise en œuvre de notre proposition de valeur (je le dis en français cette fois).

Enfin l’objectif est aussi d’orienter les jeunes. Tout le monde ne sera pas entrepreneur. Certains sont voués à supporter les entrepreneurs et doivent l’accepter et s’y conformer dans l’intérêt collectif. A ce titre, nous entendons parler aux entrepreneurs mais aussi à ceux qui désirent le devenir comme à ceux qui ne doivent surtout pas embrasser cette voie. Ces derniers pourront éventuellement chercher et trouver de l’emploi.

Agence Ecofin : Vers quels secteurs conseillez-vous aux jeunes entrepreneurs congolais de se diriger ? Digital ? Agriculture ? Mines ?

Serge Nawej : Naturellement se sont les secteurs porteurs et d’actualité. Le conseil peut être général, mais il n’a d’impact que selon l’ambition de celui à qui on s’adresse. Celui qui veut faire partie de la liste des fortunes de Forbes a intérêt à trouver le produit ou le service qui pourrait lui permettre de générer un dollar par jour et par habitant du Congo à moindre coût. Quels secteurs offrent ses possibilités ? L’agriculture, mais des investissements conséquents seront nécessaires pour atteindre ces objectifs, les nouvelles technologies certainement (et qui sait Google ou Facebook pourrait vous racheter…), les mines en théories vu que nous avons les minerais pour ce faire, mais encore une fois ce domaine nécessite de « deep pockets » et un coup de pouce du gouvernement pour une émergence qui sera de toute manière limitée.

« Celui qui veut faire partie de la liste des fortunes de Forbes a intérêt à trouver le produit ou le service qui pourrait lui permettre de générer un dollar par jour et par habitant du Congo à moindre coût. »

Il faut donc arriver à définir le niveau d’ambition et assister les aspirations, selon que l’on soit en face de commerçants, chefs de petites entreprises, chefs d’entreprises moyennes ou industriels, existant ou en devenir. Les problèmes ou défis de ces catégories sont parfois aux antipodes les uns des autres. Ils peuvent cependant se rencontrer au travers d’initiatives collectives, tels les projets que nous allons envisager, en théorie dans l’année 3 de notre mandat.

En d’autres termes en tant qu’entrepreneur, je dois aussi pouvoir m’identifier dans un ou plusieurs projets de grande envergure qui, s’ils ne profitent pas à mon entreprise directement, me donnent le droit de jouir du succès qui pourrait en résulter. Et le droit des sociétés et des suretés, notamment tels qu’édictés par OHADA, offre de multiples outils pour structurer des approches innovantes et donner réellement cours à des approches collectives individuellement gratifiantes.

Force est cependant de constater que les entrepreneurs actuels sont pour la plupart dans la subsistance plus que dans l’entreprenariat. L’entreprenariat dans une conception majoritaire permet de ne pas chômer et pas nécessairement de construire une vision entrepreneuriale professionnelle. Nous voulons contribuer à changer cela.

Agence Ecofin : Vous avez établi un programme d’action sur 3 ans. Quelles en sont les grandes lignes ? Quel objectif visez-vous pour 2020, au terme de ce programme ?

Serge Nawej : Si je devais égrainer les acquis ce serait:
- 100 Milles membres ;
- Avoir constitué un véhicule minier qui détiendrait une concession minière en partenariat avec le gouvernement ou une société d’état. Le véhicule aurait des catégories d’actions ouvertes à différente catégories de jeunes ;
- Avoir constitué un véhicule similaire pour l’agriculture et la banque-assurance. Je crois à la mise en place d’une banque dédiée aux jeunes quasi totalement dématérialisée ;
- Avoir mis en place un fonds d’investissements pour supporter une partie des projets initiés par la CNJE et par ses membres.

« Dans chacun des domaines, en tout état de cause, nous avons accès à des partenaires de premier rang. Ils nous observent à ce stade, on va en temps utiles les pousser à l’action. »

Pour chacune de ses initiatives nous avons réfléchi à des modèles. Je suis par exemple en RDC avec un de mes partenaires d’affaires ayant une expertise confirmée dans le domaine pétrolier, initiateur d’un modèle adapté à la réalité locale qui repose notamment sur le partage de production dans le domaine minier. Nous pouvons le mettre au profit du collectif pour autant que le gouvernement nous assiste. Dans chacun des domaines, en tout état de cause, nous avons accès à des partenaires de premier rang. Ils nous observent à ce stade, on va en temps utiles les pousser à l’action.

Agence Ecofin : Avez-vous encore le temps de développer vos affaires privées ?

Serge Nawej : Je n’ai pas été en mesure de réaliser près de 40% du chiffre d’affaires projeté dans ma branche juridique avec tout cela, mais pris le temps de réorganiser mes activités et de déléguer au maximum pour être plus efficace. Je dois poursuivre cette tâche et parfois même changer complètement mon modèle en raison de l’inefficacité chronique, voire pathologique, que l’on rencontre… même dans ma structure. Je suis cependant responsable des choix opérés… mais pense qu’il est temps que certains cherchent de l’emploi et valorisent la formation qu’ils ont reçu.

Pour passer à une vitesse supérieure, il me faut un niveau d’efficacité ultime qui, force est de constater, n’est pas toujours au rendez-vous malgré mes efforts. C’est aussi cela être un entrepreneur, ne pas se satisfaire du statu quo et restructurer lorsque l’on estime nécessaire.

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« Le monde change et la RDC est au milieu des enjeux, ce ne sera jamais facile. »

Les autres branches de mes activités (IT/Telecom, Supply & Procurement, Mines) évoluent convenablement, nous réalisons les objectifs théorisés et consolidons des partenariats stratégiques particulièrement prometteurs, en ce compris en RDC, mais pas seulement puisque nous nous voulons panafricains dans notre approche au sein de notre holding à Maurice. Nous aurons certainement l’occasion d’en reparler en temps utile.

Enfin, je fais également en sorte d’attacher la CNJE à mon agenda. Ce n’est pas à la CNJE de dicter mon agenda. Elle pourra le faire lorsqu’elle se professionnalisera et pourra rémunérer les membres de son bureau. A ce moment, je pense que ce sera le moment pour moi de laisser la place à des gestionnaires professionnels et non plus à un entrepreneur ou stratège un peu fou de mon acabit. Au même titre que tout autre entrepreneur qui en serait membre, la CNJE doit m’offrir la chance de développer mes activités. C’est ma philosophie que l’on aime ou pas.

Propos recueillis par Dominique Flaux

Bio express

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Serge Nawej est un avocat spécialisé en finance et projets, avec un focus sur les projets liés à l'Afrique. Il offre des solutions juridiques transfrontalières et aide les clients à pénétrer les marchés africains. Il se concentre sur l'Afrique subsaharienne et possède une connaissance exceptionnelle de la République Démocratique du Congo («RDC»). Il travaille également dans des pays tels que l'Angola, le Mozambique, l'Afrique du Sud, la Somalie et la Zambie. Il est également très compétent en droit OHADA.

Serge Nawej est également perçu comme un stratège d'entreprise efficace. Il est impliqué dans la mise en œuvre réussie d'un certain nombre d'entreprises à travers l'Afrique (et au-delà), mais plus particulièrement en RDC. Il a été reconnu comme l'un des dix avocats les plus innovants aux États-Unis par le Financial Times. Il siège également au conseil d'administration de plusieurs sociétés ou organisations et fournit des conseils stratégiques.

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