Justin Hendrix: «Nous connectons des manufactures africaines aux marques américaines, britanniques ou européennes.»

(Ecofin Hebdo) - A Koudougo, le Salon International du Coton et du Textile (SICOT), se veut le jamboree de tous les acteurs du secteur. Parmi ceux-ci, certains, à l’image d’Ethic Apparel Africa (EAA), développent des modèles innovants pour une meilleure intégration des manufactures africaines dans la chaîne de valeur internationale du textile. Rencontre avec Justin Hendrix, en charge de la stratégie et des partenariats au sein de la compagnie.

 

Agence Ecofin : Comment résumeriez-vous le modèle d’Ethic Apparel Africa (EAA) ?

Justin Hendrix : Ethic Apparel Africa est dans son essence une agence d’approvisionnement en vêtements. Nous connectons des manufactures, essentiellement africaines, aux marques américaines, britanniques ou européennes. Nous tirons parti d’accords comme l’African Growth Opportunity Act (AGOA) et d’autres accords de libre-échange, afin de favoriser les exportations de vêtements produits en Afrique de l’Ouest vers ces destinations.

Justin Hendrix

Justin Hendrix au Salon International du Coton et du Textile à Koudougou.

 

Notre cœur de métier est donc de bâtir des ponts entre ces manufactures et les marques. Mais, étant donné la forte compétitivité du secteur, une partie de nos efforts va dans le sens du renforcement des capacités techniques de ces usines africaines. Nous les aidons à s’élever au niveau des standards exigés par les marques internationales. L’un des aspects les plus importants de notre action est relatif au critère éthique.

textile industry ethiopia

Atelier textile en Ethiopie.

 

Nous nous assurons que nos partenaires se conforment à cette obligation et qu’ils aillent même au-delà, en réinvestissant dans la force de travail et en améliorant les conditions de vie des employés. Nous luttons contre l’instauration en Afrique des pratiques qui ont cours dans le secteur textile d’autres pays en voie de développement comme le Bangladesh.

« Nous luttons contre l’instauration en Afrique des pratiques qui ont cours dans le secteur textile d’autres pays en voie de développement comme le Bangladesh. »

Nous travaillons actuellement avec trois manufactures, dont deux au Ghana et une au Bénin. La compagnie est composée d’une quinzaine de personnes et accueille des membres pour des expériences courtes. L’équipe dirigeante a longtemps été basée au Ghana avant de retourner vivre en Occident. Mais l’équipe technique est basée au Ghana et au Bénin. Ils sont dans les usines tous les jours et s’assurent du respect des standards et des normes de production. Nous disposons aussi sur le terrain d’une équipe en charge des aspects logistiques de notre activité.

 

AE : Pour quelles raisons une marque miserait sur vous plutôt que de parier sur le modèle classique qui a fait ses preuves au Bangladesh par exemple ?

JH : Pourquoi préférer notre modèle à celui qui prévaut dans un pays comme le Bangladesh ? Déjà pour des raisons purement économiques. Ici, nous bénéficions d’accords de libre-échange qui permettent d’expédier la production de nos manufactures vers l’Europe, le Royaume-Uni ou les USA sans droits de douane. Ceci représente un avantage de coût de l’ordre de 15 à 32%, en fonction de la matière première utilisée dans la fabrication. Nos expéditions vont également plus vite puisque nos envois mettent 15 jours à arriver sur le vieux continent. Le délai est deux fois plus long quand les expéditions partent d’Asie.

« Ici, nous bénéficions d’accords de libre-échange qui permettent d’expédier la production de nos manufactures vers l’Europe, le Royaume-Uni ou les USA sans droits de douane. Ceci représente un avantage de coût de l’ordre de 15 à 32%, en fonction de la matière première utilisée dans la fabrication. »

Les USA peuvent être atteints en 18 jours en ligne directe, mais nous mettons actuellement 30 jours pour y parvenir. Mais, même dans ce contexte, nous expédions notre production plus vite que nos concurrents asiatiques.

Donc, nous coûtons moins cher en droits de douane, nous allons plus vite et le coût de la main-d’œuvre ici est relativement abordable, même par rapport à la Chine et au Bangladesh.

 

AE : Quelles sont les difficultés qu’on rencontre quand on implémente un projet comme le vôtre en Afrique ?

JH : Notre modèle mise sur des partenariats avec des manufactures déjà implantées sur le continent et qui emploient plus de 50 travailleurs. Et donc l’une des difficultés que l’on rencontre quand on a ce modèle, c’est que les structures, ici, n’ont jamais produit pour l’export. Aussi, nous avons dû développer un ensemble de nouvelles compétences afin de leur apprendre à produire au niveau d’exigence des marques en France et aux USA, par exemple. Ce travail a impliqué de leur enseigner des méthodes de production spécifiques. C’est très différent de travailler avec des acteurs parfaitement rôdés et qui maîtrisent ces choses. Il a donc fallu mettre tout le monde au niveau, et s’appliquer à leur transmettre des compétences spécifiques comme la coupe ou encore les modèles numériques. Nous avons dû beaucoup former par nous-mêmes ou nous tourner vers des institutions comme l’USAID qui a développé un ensemble de programmes de formation destinés à permettre aux compagnies africaines de combler ce gap.

« Dans certains cas, on se retrouve dans des situations où les usines, ici, attendent de recevoir des commandes avant d’investir dans ces équipements tandis que les marques de l’autre côté exigent que l’usine soit dotée de ces équipements spécifiques avant même de passer commande. »

Il a fallu aussi se confronter au défi logistique qu’a été l’importation de machines spécifiques pour la fabrication de certaines composantes comme les cols ou les boutons. Dans certains cas, on se retrouve dans des situations où les usines, ici, attendent de recevoir des commandes avant d’investir dans ces équipements tandis que les marques de l’autre côté exigent que l’usine soit dotée de ces équipements spécifiques avant même de passer commande. Réunir les machines et les compétences pour en tirer le meilleur et, surtout, préserver ces compétences dans la durée est peut-être la partie la plus compliquée de notre travail.

 

AE : Mais vous enregistrez quand même des victoires…

JH : Oui, bien sûr. Par exemple, un peu avant mon arrivée au sein de la compagnie, nous sommes parvenus à mettre en contact notre partenaire béninois et une marque américaine qui lui a passé des commandes. C’était la première fois que le pays expédiait des vêtements vers les USA dans le cadre de l’AGOA. Ça s’est bien passé et pendant quelque temps l’usine envoyait des containers chaque mois. Elle a pu doubler ses effectifs qui sont passés de 50 à plus de 100 personnes. A un moment, les commandes ont ralenti et ça a été difficile ensuite de maintenir ce niveau de main-d’œuvre. Mais la croissance est un processus et nous considérons cette expérience comme ayant été très positive.

 

AE : Quels sont aujourd’hui vos objectifs ?

JH : Notre compagnie ambitionne de développer le secteur textile africain. Nous considérons que ce secteur est très important en matière d’industrialisation. Souvent les pays se lancent dans la fabrication de vêtements et développent ensuite petit à petit d’autres industries. Pour nous, c’est donc un secteur-clé dans la marche vers l’industrialisation. Il nous faut donc développer des modèles reproductibles.

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Salon International du Coton et du Textile à Koudougou.

 

Mais il ne s’agit pas pour nous de courir après l’industrialisation à tout prix. Nous tenons à la dimension éthique de notre action. Nous visons donc l’autonomisation des gens travaillant dans les manufactures de nos partenaires. Nous voulons qu’ils acquièrent des compétences et, surtout, nous voulons passer à nos partenaires le relais sur des activités comme la gestion de la production ou encore, le contrôle de la qualité et de la conformité aux standards internationaux.

Propos receuillis par Aaron Akinocho, envoyé spécial

Aaron Akinocho

 

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