La nouvelle route de la soie : quels intérêts pour l’Afrique ?

(Ecofin Hebdo) - En Septembre 2013, le président chinois Xi Jinping révélait au monde un nouveau projet qui pourrait à terme bouleverser le paysage commercial mondial : le « Belt and Road » Initiative (initiative « La ceinture et la route »). Estimé à plusieurs milliers de milliards de dollars, il vise à relier la Chine à l’Europe en passant par l’Afrique. Aujourd’hui de nombreuses interrogations surgissent quant au rôle que pourrait jouer le continent, dans ce projet.

 

De nouvelles opportunités pour l’Afrique

La mise en œuvre de la nouvelle route de la soie a été accompagnée d’une vague de financements en faveur des pays africains. Entre 2000 et 2015, la Chine a accordé pas moins de 94,4 milliards $ de prêts aux pays africains.

Belt and Road

De nouvelles perspectives de financement pour les grands projets d’intégration en gestation sur le continent depuis six décennies.

 

Avec la Chine, « les projets peuvent être signés en un an, alors qu’ils pourraient mettre 10 ans à voir le jour avec des bailleurs internationaux comme la Banque mondiale » confiait à France24, l’économiste Jean-Joseph Boillot. En septembre dernier, un nouveau portefeuille de financement et d’investissement de 60 milliards $ a d’ailleurs été annoncé pour l’Afrique, par le président Xi Jinping.

Le projet One Belt One Road contribue également à l’agenda 2063 de l’Union africaine (UA). Il offre de nouvelles perspectives de financement pour les grands projets d’intégration en gestation sur le continent depuis six décennies.

En effet, la Chine envisage de construire 30 000 km de nouvelles routes en Afrique. Ces investissements devraient permettre au continent d’améliorer la densité de son réseau routier, qui est la plus faible au monde avec 7km de route pour 100km².

voie express Uganda

La Chine envisage de construire 30 000 km de nouvelles routes en Afrique.

 

D’après Qian Keming, vice-ministre chinois du commerce, le continent africain sera également doté d’une capacité portuaire de 85 millions de tonnes grâce à la nouvelle route de la soie. A cela devrait s’ajouter plus de 30 000 km de lignes de transmission et de transformation d’énergie. Ces investissements pourraient permettre à l’Afrique de réduire un déficit infrastructurel qui lui coûte chaque année entre 87 et 112 milliards $, selon les estimations de la BAD.

Ces investissements pourraient permettre à l’Afrique de réduire un déficit infrastructurel qui lui coûte chaque année entre 87 et 112 milliards $, selon les estimations de la BAD.

La modernisation des ports, aéroports, routes et chemins de fer du continent, permettront surtout de réduire les coûts des transports sur le continent, qui sont parmi les plus élevés au monde.

En 2016, un rapport du cabinet Infothep indiquait par exemple que « le transport d’un conteneur entre Kampala (Ouganda) et Mombasa au Kenya peut prendre deux fois plus de temps et d’argent que le transporter de Londres à Mombasa ».

D’après la Banque mondiale, l’absence d’infrastructures de qualité, limite de 40% la productivité des entreprises africaines. La nouvelle route de la soie pourrait donc contribuer à réduire ce manque à gagner.

D’après la Banque mondiale, l’absence d’infrastructures de qualité, limite de 40% la productivité des entreprises africaines. La nouvelle route de la soie pourrait donc contribuer à réduire ce manque à gagner.

Aussi, elle pourrait favoriser une augmentation du PIB par habitants en Afrique, de 1,7 à 2,6 points de pourcentage par an, selon les données de l’institution de Bretton-Woods.

Enfin, tous ces investissements devraient se répercuter de façon positive sur le secteur de l’emploi et contribuer à réduire le chômage sur le continent. D’après un rapport du cabinet McKinsey, près de 300 000 emplois ont déjà été crées en Afrique par des sociétés chinoises.

 

La multiplication de nouveaux chantiers

L’Afrique de l’Est et l’Afrique australe ont enregistré un nombre important d’investissements chinois dans le domaine des infrastructures, ces dernières années.

Près de 4 milliards $ ont ainsi permis à l’empire du milieu de relier Djibouti à l’Ethiopie sur près de 756 km de voies ferrées. Au Kenya, la China Eximbank a financé à hauteur de 90% la construction d’une ligne ferroviaire reliant la ville portuaire de Mombasa à Nairobi. Près de 13 milliards $ sont consacrés par la Chine à l’agrandissement du réseau ferroviaire dans le pays.

Au Mozambique et en Angola, de grands projets infrastructurels sont financés et développés par Pékin. En 2018, les autorités mozambicaines ont inauguré un pont suspendu de plus de 680 mètres de long au dessus de la baie de Maputo pour un coût total de 725 millions $.

 maputo suspension bridge

Un pont suspendu de plus de 680 mètres de long au dessus de la baie de Maputo.

 

Financé à 95% par la Chine, l’ouvrage devait faire partie d’un tronçon routier destiné à assurer « la connexion entre le nord et le sud de l’Afrique par la route », indique le président mozambicain Filipe Nyusi. Entre 2000 et 2014 la Chine a investi près de 2,28 milliards $ dans les infrastructures mozambicaines.

En Angola, la valeur des projets d’infrastructures mis en place par la Chine en 2017 a dépassé les 10 milliards $ d’après Cui Amin, l’ambassadeur de Chine à Luanda.

Les ports font également l’objet d’investissements intenses de la part du géant chinois. Pékin a ainsi fourni 85% des 580 millions $ nécessaires pour la construction du port polyvalent de Doraleh à Djibouti. Le pays asiatique détient par ailleurs 23,5% du capital de l’autorité portuaire Djiboutienne.

Avec la multiplication de ces financements, c’est « plus de la moitié des investissements prévus par la Chine dans le cadre de cette nouvelle Route de la soie qui iront à l’Afrique » indique Le Monde.

 

Les débuts d’une nouvelle dépendance ?

Cette offensive d’investissements sur le continent, n’a pas toujours rencontré un accueil favorable. Certains accusent la Chine de vouloir réaliser une nouvelle colonisation de l’Afrique.

Avec un volume d’échange de 170 milliards $ en 2017, la Chine est devenue pour la 9ème année consécutive, le principal partenaire commercial du continent africain.

 addis djibouti

La ligne Addis Abeba-Djibouti.

Au fil des années, le continent africain est devenu un fournisseur important de ressources naturelles pour une économie chinoise très gourmande en énergie et en matières premières. Plus de 80% des exportations africaines vers la Chine sont constituées de matières premières.

D’après des statistiques, le pays absorbe à lui seul environ 75% des exportations congolaises de cuivre et près de 70% des exportations sud-africaines de fer. Près de 40% du pétrole angolais est exporté vers la Chine.

D’après des statistiques, le pays absorbe à lui seul environ 75% des exportations congolaises de cuivre et près de 70% des exportations sud-africaines de fer. Près de 40% du pétrole angolais est exporté vers la Chine.

Pékin veut donc importer ces matières premières à moindre coût, mais également relancer ses activités d’exportations. Cela explique les nombreux investissements dans les infrastructures de transport, et dans la construction portuaire, sur les côtes africaines.

« Elle [la Chine, ndlr] a compris l’importance des mers pour redevenir une puissance maritime de premier ordre via ses grands ports » commentait le géopolitique Pierre Picquart, cité par le journal La Liberté.

Enfin, l’Afrique représente également un énorme marché de consommateurs pour les produits chinois avec une population de plus d’1,2 milliard d’individus prévue pour doubler d’ici 2050.

Enfin, l’Afrique représente également un énorme marché de consommateurs pour les produits chinois avec une population de plus d’1,2 milliard d’individus prévue pour doubler d’ici 2050. Et les prix assez bas des produits chinois facilitent leur pénétration sur le marché continental.

 

Néanmoins des risquent subsistent…

Aujourd’hui, l’omniprésence des cadres et des entreprises chinoises sur des projets financés par Pékin, au détriment des compétences locales disposant pourtant parfois d’un certain savoir-faire dans le domaine, empêche un transfert de technologies et de compétences. D’après un rapport du cabinet McKinsey, plus de 10 000 entreprises chinoises sont présentes sur le continent. Cependant seuls 44% des gestionnaires locaux des entreprises chinoises sont des Africains.

D’après un rapport du cabinet McKinsey, plus de 10 000 entreprises chinoises sont présentes sur le continent. Cependant seuls 44% des gestionnaires locaux des entreprises chinoises sont des Africains.

Et si la mise en œuvre de la nouvelle route de la soie facilitera l’accès au marché africain pour les entreprises chinoises, l’inverse pourrait être moins évident pour les entreprises africaines.

Moutiou Adjibi Nourou

Moutiou Adjibi

 

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