Et si l’aide française au développement soutenait (vraiment) les pays africains francophones, plutôt que les pays d’Europe de l’Est…

(Ecofin Hebdo) - En 2014, Jacques Attali publiait son rapport sur « l’énorme potentiel économique de la francophonie », invitant la France à transformer l’Organisation Internationale de la Francophonie en une Union économique francophone à l’image de l’union économique européenne. « Deux pays partageant des liens linguistiques tendent à échanger environ 65 % plus que s’ils n’en avaient pas » argumentait-il. Visiblement, ce rapport de M. Attali est resté dans un tiroir.

Ce mois-ci, c’est une étude publiée par Ilyes Zouari, président du Centre d’étude et de réflexion sur le monde francophone (CERMF) qui met les pieds dans le plat francophone en disséquant les budgets 2016 de l’aide française au développement (bilatérale et multilatérale).

On y apprend ainsi, par exemple, que la France aide l’Estonie à hauteur de 128 millions d’euros alors qu’elle ne consacre que 115 millions d’euros à soutenir la Tunisie. A votre avis, lequel de ces deux pays la France devrait-elle davantage aider ? un petit pays balte de 1,3 million d’habitants au revenu moyen de 17 500 $, avec lequel elle n’échange quasiment rien, ni sur le plan culturel, ni sur le plan économique ? Ou bien un pays francophone de 11 millions d’habitants au revenu moyen de 3700 $, dont beaucoup de Français sont originaires, qui construit courageusement sa démocratie et qui tente de retenir une jeunesse désespérée, prête à risquer sa vie pour émigrer en Europe ?

Comment expliquer que la France ait consacré en 2016, 1,86 milliard d’euros à aider la Pologne et à peine 111 millions d’euros pour aider le pays francophone le plus peuplé au monde, la RDC.

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NB : Totaux de l’aide française au développement, bilatérale et multilatérale.

Le premier pays francophone bénéficiaire de l’aide française au développement, le Maroc, ne se trouve qu’en 11e position. Et le second, le Cameroun, est 14e. « Selon les dernières statistiques détaillées publiées par l’OCDE, la France n’a consacré que 32 % de ses aides relevant de la catégorie dite de l’Aide publique au développement (APD) à des pays francophones en 2016 », rappelle le CERMF. C’est également, à peu de choses près, la part de financements qu’accorde l’Agence Française de Développement (AFD) aux pays francophones.

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« Travailler pour le roi de Prusse »
C’est en effet aux pays européens de l’Est que la France consacre l’essentiel de ses budgets d’aide au développement, plutôt qu’aux pays francophones, africains pour la plupart. Or, souligne le rapport, ce choix va également à contre-courant des intérets français.

L’Hexagone n’enregistre en moyenne que 3,9% de parts de parts de marché sur l’ensemble des pays européens de l’Est bénéficaires de son aide, alors qu’elle dispose de parts nettement supérieures dans les pays africains francophones : 15,4 % en Tunisie, 13,2 % au Maroc, 15,9 % au Sénégal ou encore 28,3 % au Niger. L’Afrique francophone représente 25 pays regroupant 390 millions d’habitants et s’étend sur une superficie de 14 millions de km2, dont l’espace UEMOA, qui constitue la plus vaste zone de forte croissance du continent (moyenne de 6,4 % par an sur la période 2012-2017).

« La politique étrangère de la France consiste à financer essentiellement des pays qui continuent à s’orienter systématiquement en premier vers l’Allemagne, 27 ans après la chute de l’URSS, ce qui revient donc à subventionner l’économie allemande et ses industries (aux gigantesques excédents commerciaux). La célèbre expression travailler pour le roi de Prusse semble ainsi être la doctrine de la politique étrangère de la France. » ironise l’auteur.

PdM en Afrique francophone

Au final le rapport oppose au schéma de la francophonie, celui au Commonwealth. A l’inverse de la France, le Royaume Uni a réduit sa partication à l’aide multilatérale de l’Union Européenne, pour privilégier son aide bilatérale, largement orientée sur les pays de sa zone linguistique. Au final, alors que la France ne consacre que 32% de ses budgets d’APD aux pays francophones, la Grande Bretagne réserve 58% de ses aides aux pays du Commonwealth. Une dynamique que le Brexit devrait naturellement amplifier.

FR UK ADP UE

Alors, à l’heure où l’Europe, au bord de la crise de nerf, ne parvient plus à gérer les flux de migrants africains et où les populismes gagnent de plus en plus d’élections, la France a-t-elle plutôt intérêt à soutenir l’Estonie ou bien la Tunisie ? Poser la question, c’est déjà y répondre…

 

Dominique Flaux 

 

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