Les 10 grandes fusions–acquisitions qui peuvent chambouler le secteur minier africain : le point de vue de PwC

(Ecofin Hebdo) - L’industrie minière mondiale s’est complètement remise de la crise des matières premières de 2015. Face à cette santé retrouvée, l’heure est aux «tentations» pour les compagnies minières. Après les récentes annonces de fusions acquisitions qui vont modifier le paysage, ces compagnies cèderont-elles aux impulsions qui ont stimulé des actions agressives dans le passé, ou continueront-elles d’abord sur le chemin de la prudence ? Dans un entretien accordé à Agence Ecofin, Andries Rossouw, associé chez PwC nous livre son avis d’expert.

 

Les 10 opérations de Fusion/Acquisition annoncées ces derniers mois et touchant l’Afrique

 

 1. Barrick Gold et Randgold Resources (Or)

En septembre 2018, le leader mondial de la production aurifère Barrick Gold annonce la conclusion avec Randgold Resources d’un accord de fusion d’une valeur de 18,3 milliards $. La transaction sera finalisée quelques mois plus tard, les actionnaires de Barrick Gold détenant 66,6% de la nouvelle entité dénommée «Barrick» et ceux de Randgold 33,4%.

Barrick Gold Executive Chairman John Thornton

Barrick Gold Executive Chairman John Thornton.

 

 Pour Barrick Gold, l’opération est un moyen de consolider son leadership et de profiter de l’expérience de Randgold dans la gestion de l’environnement minier «difficile» en Afrique. La compagnie y détient, via sa filiale Acacia Mining, des projets aurifères en production en Tanzanie, ainsi que des propriétés d’exploration au Kenya, au Burkina Faso, et au Mali. Quant à Randgold, elle exploite plusieurs mines d’or au Mali, en Côte d’Ivoire et en RDC.

 

2. Newmont Mining et Goldcorp (Or)

En janvier 2019, Newmont Mining et Goldcorp, deux géants de l’industrie aurifère et concurrents directs de Barrick, concluent un accord définitif selon lequel le premier acquiert tout le capital-actions du second. La transaction évaluée à 10 milliards $ devrait générer « l’une des plus grandes sociétés aurifères au monde », et la compagnie qui offre le dividende annuel le plus élevé dans le secteur. Elle remet en cause le leadership de Barrick dans l’industrie aurifère mondiale, l’entité résultante devant produire «six à sept millions d'onces sur un horizon de plusieurs décennies».

Goldcorp

Une transaction évaluée à 10 milliards $

 

Barrick a d’ailleurs tenté d’empêcher la finalisation de l’opération en proposant en février 2019 de racheter Newmont, en vain. La transaction devrait être clôturée au deuxième trimestre 2019. Newmont exploite actuellement deux projets aurifères au Ghana, en l’occurrence les mines Ahafo et Akyem.

 

 3. Zijin Mining et Nevsun Resources (Cuivre, Zinc)

Le groupe chinois Zijin Mining a annoncé début 2019 son intention de racheter par voie d’«acquisition forcée» le reste du capital-actions qu’elle ne détient pas dans Nevsun Resources. Nevsun compte parmi ses actifs, la mine de cuivre et zinc Bisha (Erythrée). Zijin, partenaire du Canadien Ivanhoe Mines en RDC, avait déjà acquis à coup de millions 92,44% de participation dans Nevsun.

 

 4. China Molybdenum et BHR Newwood DRC (Cuivre, Cobalt)

La compagnie chinoise China Molybdenum a conclu en janvier 2019 avec le fonds sino-américain BHR un accord pour racheter sa filiale BHR Newwood DRC.

Tenke Fungurume Mining

Tenke Fungurume, un enjeu majeur dans le secteur du cuivre et du cobalt.

 

Cette dernière est une société holding détentrice des 24% de participation de BHR dans la grande mine de cuivre et cobalt Tenke Fungurume, en RDC. Cette acquisition permet à China Molybdenum d’accroître à 80% ses intérêts dans le projet.

 

 5. Zijin Mining et Nkwe Platinum (Platine)

Zijin Mining a conclu un accord pour racheter toutes les actions émises et en circulation de la compagnie minière active en Afrique du Sud, Nkwe Platinum. Le montant de la transaction est évalué à environ 90 millions de dollars australiens. Nkwe Platinum détient en Afrique du Sud la mine Garatau, une mine souterraine de platine capable de produire quelque 330 000 oz/a de platine au cours d'une durée de vie initiale de 17 ans.

 

 6. Chengtun Mining et Nzuri Copper (Cuivre, Cobalt)

En février 2019, le groupe chinois Chengtun Mining a proposé de racheter Nzuri Copper pour plus de 78 millions $. Pour la société chinoise, le projet de cuivre et cobalt Kalongwe, détenu en RDC par Nzuri Copper, pourrait représenter une grande opportunité de synergie avec son installation de traitement SX-EW de 150 millions $.

 

7. Universal Coal et Ata Resources (Charbon)

Universal Coal a indiqué en mars 2019 qu’elle attend toujours une OPA acceptable de la part d’un consortium d’investisseurs dirigé par Ata Resources. Le consortium  avait proposé vers la fin de 2018 de racheter tout le capital-actions d’Universal Coal, à un prix de 0,35 dollar australien par action. 

Universal Coal

Universal Coal, prête à s’offrir Ata Resources.

 

L’offre n’a pas été acceptée par Universal Coal qui négocie pour qu’elle soit améliorée. Universal Coal opère en Afrique du Sud sur les mines de charbon New Clydesdale, Kangala et Eloff.

 

8. SEMAFO et Savary Gold (Or)

La compagnie canadienne SEMAFO a conclu en mars 2019 un accord pour racheter Savary Gold. L’opération estimée à 22,7 millions de dollars canadiens devrait lui permettre de devenir le propriétaire du projet aurifère Karankasso, situé au Burkina Faso. Dans ce pays d’Afrique occidentale, elle est déjà bien implantée avec plusieurs actifs, dont deux mines d’or en production (Mana et Boungou).

 

9. Roxgold et Séguéla (Or)

En février 2019, Newcrest Mining a annoncé qu’elle a conclu avec la société canadienne Roxgold un accord pour lui céder onze permis d’exploration en Côte d’Ivoire, y compris le projet Séguéla. La transaction est évaluée à 30 millions $.

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Roxgold s’offre la mine d’or ivoirienne Seguela.

 

Elle représente pour Roxgold une expansion sur le continent alors qu’elle opérait jusque-là sur le projet d’or Yaramoko, au Burkina Faso.

 

10. Desert Gold et Ashanti Gold (Or)

A moins grande échelle, la compagnie canadienne Desert Gold a annoncé début avril 2019 la conclusion d’un accord définitif pour acquérir tout le capital-actions d’Ashanti Gold. La fusion proposée devrait permettre aux deux entreprises de combiner leurs propriétés d’exploration adjacentes au Mali. 

 

Andries Rossouw, associé chez PwC : « Il est peu probable que l’industrie connaisse un nouveau ralentissement significatif. »

Andries Rossouw

« L'industrie minière est cyclique et les prix sont appelés à baisser de temps à autre. »

 

AE : Depuis quelques mois, on assiste dans l’industrie aurifère à une vague de fusion-acquisition de la part de grandes compagnies minières. Comment expliquez-vous cela ?

Andries Rossouw : D'aucuns ont déjà été d'avis que l'offre d'or est trop fragmentée et que les fusions seraient bonnes pour l'industrie aurifère. Les fusions et acquisitions n'ont de sens que lorsque l'entité postérieure à la fusion offre plus de valeur aux diverses parties prenantes. Ceci peut être réalisé par des synergies, des économies d'échelle et une réduction des risques grâce à la diversification dans les territoires.

 

AE : En 2018, dans son rapport intitulé «Tempting Times», PwC mettait en garde les géants miniers contre la tentation d’acquérir des actifs en production à n’importe quel prix dans le but de satisfaire la demande. Que risque vraiment l’industrie si cela arrivait ?

AR : Je ne pense pas qu’on puisse affirmer ce soit déjà le cas. Les compagnies minières se sont montrées très prudentes en ce qui concerne le lancement de nouveaux projets. Les transactions qui ont eu lieu  semblent toujours être le résultat d'un repositionnement en vue de l'exécution des stratégies précédemment adoptées. Ces opérations se poursuivront au fur et à mesure que les sociétés mettront en œuvre leurs stratégies et en verront la valeur. Elle ne deviendra  un risque que si les transactions sont effectuées dans le but d'accroître la taille et les revenus et non pas nécessairement la valeur des entreprises.

 

AE : Le secteur minier mondial a déjà connu l'une des pires crises de son histoire en 2015. Quelle est la probabilité que cela se reproduise, ne serait-ce que dans le secteur de l’or où on assiste actuellement à ce que PwC qualifiait de «manque de discipline» dans son rapport ? 

AR : L'industrie minière est cyclique et les prix sont appelés à baisser de temps à autre, à mesure que l'offre sur le marché dépasse la demande. Le niveau des dépenses en capitaux dans l’industrie, au cours des dernières années, a été extrêmement bas, et la majeure partie de la production du précédent cycle haussier, déjà ajoutée. Il est donc actuellement peu probable que l’industrie connaisse un nouveau ralentissement significatif dû à une offre excédentaire, comme ce fut le cas en 2015. Toutefois, les chocs et la pression sur la croissance économique mondiale pourraient avoir un impact négatif sur la demande, mais aussi sur les prix et la rentabilité. A l'heure actuelle, il faut dire que l'industrie est beaucoup mieux placée pour faire face à une baisse temporaire des prix, car les bilans ont été largement renforcés et le contrôle des coûts unitaires s'est considérablement amélioré.

 

AE : De quelles manières les grandes opérations de fusion-acquisition actuellement en cours impactent-elles les pays africains producteurs d'or ?

AR : Les fusions et acquisitions donnent souvent lieu à la vente d'actifs non essentiels par les nouvelles entités issues des regroupements. Cela peut se traduire, soit par plus de développements de projets à faible marge. Ces projets, qui n'intéressaient auparavant pas les grandes sociétés peuvent être développés par de petites sociétés dont la structure de coûts est moins élevée.  Alternativement, cela pourrait signifier que des projets qui auraient pu être financés par une grande société ne peuvent mobiliser suffisamment de capitaux pour être développés. Nous espérons que cela améliorera la discipline générale en matière d’investissement.   

Louis Nino Kansoun

Louis Nino Kansoun

Ndeye Khady Gueye

 

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