« Si les politiques le veulent, nous pourrons limiter le réchauffement climatique à 1,5°C » (GIEC)

(Ecofin Hebdo) - Dans son rapport spécial sur l’atteinte des objectifs climatiques, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) est formel. Il est encore possible de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C par rapport au début de l’ère préindustrielle. Les connaissances scientifiques et technologiques le permettent.

Cependant, l’atteinte de cet objectif est subordonnée à un changement radical et sans précédent qui devra être conduit et soutenu par la volonté politique. Car au point où nous en sommes, chaque dixième de degré compte et notre planète, notre mode de vie et la continuité de notre existense sur la terre, seront totalement différents si nous n’agissons pas tous vite et bien.

Une limitation possible, mais conditionnée à une forte volonté politique et institutionnelle

La limitation du réchauffement à 1,5°C nécessitera des transformations majeures sans précédents et immédiats dans tous les secteurs. Pour y parvenir, les émissions annuelles de gaz à effet de serre devraient diminuer de moitié d’ici à 2030, alors qu’après plusieurs années de baisses, elles ont repris la pente ascendante en 2017. Selon les études des experts, le monde épuisera son budget carbone pour limiter le réchauffement à 1,5°C dès 2030, si rien n’est fait par rapport à la situation actuelle. Si la courbe d’émission des gaz à effet de serre n’est pas infléchie, l’atmosphère se réchauffera de 5,5°C par rapport à l’ère préindustrielle, ce qui aurait des répercussions pour le moins catastrophiques.

Selon les études des experts, le monde épuisera son budget carbone pour limiter le réchauffement à 1,5°C dès 2030, si rien n’est fait par rapport à la situation actuelle.

Il faudra donc agir dans tous les secteurs de la société. Pour illustration, d’ici 2050, les énergies renouvelables devront fournir 70 à 85% de la demande en électricité. Des mesures importantes d’efficacité énergétique et de changement de carburant devront être prises dans le secteur du transport. La consommation en énergie du secteur agroalimentaire devra être drastiquement amoindrie et des changements dans les choix diététique devront être opérés, tout en réduisant le gaspillage alimentaire.
Une forte volonté politique est la condition sine qua none pour atteindre l’objectif. « Les lois de la physique et de la chimie permettent de limiter la hausse à 1,5°C, ainsi que les technologies, le changement de modes de vie et les investissements. La dernière chose, à laquelle les scientifiques ne peuvent répondre, c’est si c’est faisable politiquement et institutionnellement.» a affirmé à ce propos, Jim Skea, l’un des chercheur du GIEC.

 Jim Skea

Jim Skea : « Reste à savoir c’est si c’est faisable politiquement et institutionnellement.»

 

Les investissements dans les technologies bas-carbone devront être multipliés par un facteur 5 d’ici 2050 par rapport à leur niveau en 2015.
Nous avons déjà atteint un réchauffement de 1°C, ce qui ne laisse que peu de marge de manœuvre. Les Etats devront donc diminuer drastiquement leurs émissions au cours de la prochaine décennie et leur émission nette de CO2 (le solde des émissions et des évitements) devra être nulle d’ici 2050.

Il faudra également réduire le volume de carbone stocké dans l’atmosphère en plantant des forêts ou en implantant des systèmes de captage et de stockage de CO2 dans le sous-sol. Un exercice qui n’a jamais été fait à une telle échelle, mais qui est primordial pour limiter le réchauffement à 1,5°C.

Cela impliquerait que tous les polluants contribuant au réchauffement devront être abandonnés. Il faudra également réduire le volume de carbone stocké dans l’atmosphère en plantant des forêts ou en implantant des systèmes de captage et de stockage de CO2 dans le sous-sol. Un exercice qui n’a jamais été fait à une telle échelle, mais qui est primordial pour limiter le réchauffement à 1,5°C. 

Un réchauffement à 1,5°C pas sûr pour tout le monde mais préférable de loin à un réchauffement à 2°C

Le rapport a également confirmé que la réduction du réchauffement climatique à 1,5°C n’affecterait pas de manière égale toutes les zones du globe. Même en consentant à l’ensemble des changements requis et en les effectuant à une vitesse importante, les zones les plus pauvres et les plus vulnérables, dont fait partie l’Afrique, ressentiraient plus durement les effets du réchauffement et ce, en terme de perte de moyens de subsistance, d’insécurité alimentaire, de déplacement des populations et des effets sur la santé, entre autres.

Au delà, les effets seraient encore plus graves. Des changements importants interviendraient selon que le climat se réchauffe de 1,5°C ou de 2°C. « Nous sommes à la croisée des chemins. Des mondes à +1,5°C ou à 2°C seront très différents. Si nous n’agissons pas d’ici à 2030, la porte se refermera.» avertit Valérie Masson-Delmotte, coprésidente du GIEC.

Valerie Masson Delmotte
Valérie Masson-Delmotte : « Des mondes à +1,5°C ou à 2°C seront très différents.»

En effet, dans le scénario d’un réchauffement à 2°C, le niveau des mers montera de 10 centimètres supplémentaires faisant 10 millions de déplacés de plus. La banquise subira une fonte complète de ses glacier, non plus une fois tous les 100 ans mais une fois toutes les ans. La proportion des vertébrés éteints doublera, passant à 8% des espèces connues, 18% des insectes disparaitront au lieu de 6% et deux fois plus d’espèces végétales, c’est-à-dire 16% verront leur aire naturel se réduire de plus de 50%. Quant au récif corallien, si un réchauffement à 1,5°C présage une disparition de 70% à 90% de son étendue, 0,5°C supplémentaire porte ce taux de disparition à 99%. Ce qui n’augure rien pour la faune marine grandement dépendante de ces écosystèmes.

Quant au récif corallien, si un réchauffement à 1,5°C présage une disparition de 70% à 90% de son étendue, 0,5°C supplémentaire porte ce taux de disparition à 99%.

Il est donc primordial de réduire le réchauffement à 1,5°C et pour cela, plusieurs scénarios sont envisagés car selon les experts : « Il n’existe pas de trajectoire unique et définitive pour limiter le réchauffement à 1,5°C.». Deux grandes voies se distinguent cependant. Dans 81 des 90 scénarios élaborés, l’augmentation de la température excède les 1,5°C dans un premier temps, avant d’être ramenée à cette limite. Cependant, une telle option aurait des impacts irréversibles sur l’écosystème et rien ne garantit que nous soyons en mesure de faire baisser la température par la suite. La seconde option implique que la hausse de température soit stabilisée à 1,5°C ou à une température juste en dessous. 

Nécessité d’une action immédiate aux bénéfices indéniables

La limitation du réchauffement climatique nécessitera la mise en place rapide des ambitions de réduction des émissions, mais également un changement profond du mode de fonctionnement de nos sociétés.

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Il faudra également élever ces ambitions à un niveau supérieur car le respect des engagements déjà pris à Paris par les Etats mène à une température bien au-dessus des 1,5°C et avoisinant les 3°C. L’accord de Paris prévoit d’ailleurs dans ce cadre que les pays se prononcent à nouveau sur leurs engagements en 2020.

Si la tâche s’annonce dure, elle n’est cependant pas impossible vu que le monde dispose déjà des technologies et de la connaissance scientifique nécessaire pour relever le défi.

Il faudra également élever ces ambitions à un niveau supérieur car le respect des engagements déjà pris à Paris par les Etats mène à une température bien au-dessus des 1,5°C et avoisinant les 3°C.

Reste maintenant à aboutir à une mobilisation générale de l’ensemble des composantes de la société, les Etats en tête, et ce pour le bien-être de leurs populations, puisque la transition présente des avantages indéniables. Les bénéfices d’une action climatique ambitieuse pour l’économie pourraient s’élever à 26 000 milliards $ d’ici à 2030, tout en générant plus de 65 millions d’emplois et en évitant plus de 700 000 morts prématurées dues à la pollution atmosphérique d’ici 2030.

Un enjeu plus politique que scientifique

L’évolution de la situation dépendra grandement des politiques comme le souligne le rapport du GIEC. En effet, même si les actions individuelles visant à réduire les émissions sont positives, elles ne pourront pas, à elles seules, être décisives. Les gouvernements devront changer de manière radicale et accélérée, leur mode de croissance qui permettra et facilitera la modification profonde du mode de vie de leurs populations.

Cependant, le développement économique est très lié à la consommation énergétique. Or la grande partie des dirigeants ambitionne le développement économique de leurs pays, ce qui va de pair avec une augmentation des émissions. La preuve est que les seules années où les émissions ont diminué de manière notable sont celles de 2008 et 2009 où l’ensemble des pays développés étaient en proie à la crise économique. Mais depuis, notamment au cours des dernières années, ces émissions ont augmenté et presque aucun pays n’a encore mis en place de stratégie de développement bas-carbone.

La preuve est que les seules années où les émissions ont diminué de manière notable sont celles de 2008 et 2009 où l’ensemble des pays développés étaient en proie à la crise économique.

Ensuite, les pays les plus pollueurs sont les plus développés et au stade actuel, une transition entreprise individuellement impliquerait dans un premier temps, une prise de retard dans la course économique engagée entre les puissances. A cela s’ajoute le retrait du gouvernement fédéral des Etats-Unis, deuxième plus grand pollueur, de l’accord de Paris, sur la lutte contre le réchauffement climatique. Même si la Chine, la premier pollueur mondial, s’est engagée dans la décarbonisation, les enjeux économiques risquent de freiner sérieusement le processus.

pollution chine
« Chaque demi-degré de plus compte » 

Enfin, la résolution du problème demande une concertation globale assez délicate à mettre en place. Il est en effet difficile aux pays développés, auteurs principaux du réchauffement de demander aux pays en voie de développement de faire des efforts alors qu’eux même peinent à réduire leur impact. Un Etat de choses qui, combiné aux demandes « d’indemnisation » des pays les plus pauvres et les plus vulnérables aux changements, risque de compliquer encore plus la tâche.

« Ne pas dépasser 1,5 °C n’est pas impossible, mais cela demanderait des transitions sans précédent dans tous les aspects de la société ».

Mais il importe pour l’ensemble de tous les acteurs de se concerter le plus vite possible après la publication de cette étude afin d’amorcer enfin la transition. Car, comme le résume bien le rapport, « le changement climatique affecte déjà les populations, les écosystèmes et les moyens de subsistance. Chaque demi-degré de plus compte et il y a des avantages indéniables à limiter le réchauffement à 1,5 °C plutôt que 2 °C. Ne pas dépasser 1,5 °C n’est pas impossible, mais cela demanderait des transitions sans précédent dans tous les aspects de la société. Enfin, contenir le réchauffement à 1,5 °C peut aller de pair avec la réalisation des objectifs du développement durable, pour améliorer la qualité de vie de tous. »

 

Gwladys Johnson Akinocho

Gwladys Johnson

 

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