L’AGOA: opportunité véritable ou arme commerciale américaine en Afrique ?

(Ecofin Hebdo) - Née d’une volonté déclarée de renforcer la compétitivité des nations africaines, l’AGOA s’est imposée, depuis quelques années, comme le principal instrument commercial de la politique américaine envers le continent africain. Si plusieurs arguments plaident en sa faveur, le dispositif souffre cependant de quelques maux.

 

Des principes vertueux…

Dès le départ, l’AGOA (Loi sur la croissance et les possibilités économiques en Afrique) promulgué par le président américain Bill Clinton en 2000, a fait plusieurs paris ambitieux. Se définissant comme un axe majeur de la coopération économique avec le continent africain, il accumule plusieurs objectifs dont l’encouragement du développement économique en Afrique et la promotion du commerce et des investissements dans les deux sens.

Conférence AGOA

Grâce à cette loi, plus de 1500 produits africains destinés aux USA seront exemptés de
droits de douane.

Dans cette logique, ce régime offre aux pays bénéficiaires d’Afrique subsaharienne, un accès en franchise de droits de douane et sans restriction quantitative au marché américain afin d’améliorer la compétitivité africaine. Grâce à cette loi, plus de 1500 produits africains destinés aux USA seront exemptés de droits de douane. Cet éventail s’ajoute à 4500 articles déjà compris dans le cadre du Système généralisé de préférences (SGP) dont bénéficie globalement plus de 129 pays en voie de développement du monde, y compris en Afrique, par le biais d’un droit de douane préférentiel (nulle ou très faible).

 

… et des contreparties
Du côté des exigences, le produit doit satisfaire à deux règles d’origine : il doit directement être importé depuis un pays bénéficiaire et doit être cultivé, produit ou manufacturé dans un pays bénéficiaire. De même, pour jouir de ce traitement, les nations aspirantes doivent remplir diverses conditions. Il s’agit notamment de la pratique d’une économie de marché, d’un Etat de droit, du pluralisme politique, la lutte contre la corruption, l’élimination des barrières au commerce et à l’investissement des USA, la protection des droits de l’homme et des travailleurs et l’élimination de certaines pratiques liées au travail des enfants.
Au cours des années suivant son établissement, l’AGOA a été amendée, soit pour étendre sa couverture, proroger sa durée d’application, retirer ou introduire de nouveaux Etats. Actuellement, les produits couverts par ce cadre commercial vont des produits textiles aux matières premières en passant par les produits agricoles et les composantes de l’industrie automobiles.

Les nations exclues de ces avantages sont la Gambie, le Swaziland, le Soudan, le Soudan du Sud, l’Erythrée, la RDC, la Centrafrique, le Zimbabwe, la Somalie, la Guinée équatoriale et le Burundi.

Prorogé pour 10 ans supplémentaire jusqu’au 30 septembre 2025, l’AGOA bénéficiait en 2016, à 38 pays sur les 49 d'Afrique subsaharienne. Les nations exclues de ces avantages sont la Gambie, le Swaziland, le Soudan, le Soudan du Sud, l’Erythrée, la RDC, la Centrafrique, le Zimbabwe, la Somalie, la Guinée équatoriale et le Burundi.

 

Un bilan signifiant

L’accès préférentiel au marché américain a permis d’une manière incontestable d’accroître le niveau des échanges commerciaux du continent africain avec les USA. D’après le rapport biannuel sur la mise en œuvre de l’AGOA publié en 2016 par le Représentant des États-Unis pour les questions commerciales internationales (USTR), les exportations AGOA vers les USA qui représentaient 8,2 milliards $ en 2001 ont atteint un pic historique à 66,3 milliards $ en 2008.

Se concentrant essentiellement sur les produits pétroliers, les exportations vers les USA ont dévissé à 9,3 milliards $ en 2015, en raison de la baisse des achats des USA depuis le continent africain et de la crise économique mondiale de 2009.

Pendant ce temps, les exportations vers les Etats-Unis, hors produits pétroliers, ont crû de 1,4 milliard $ à 4,1 milliard $ en 2015 du fait la croissance des envois de vêtements, de légumes préparés, de fruits, de noix, de fleurs coupées, de chaussure, d’automobiles et de pièces de voiture.

Plus globalement, sur la période 2008-2013, plus de 70% des exportations subsahariennes vers les USA ont été réalisées dans le cadre de l’AGOA. Outre les bénéfices financiers directs que réalisent les pays africains grâce aux exportations, l’AGOA a également permis d’impulser une croissance de l’industrie textile en Afrique.

 

De nombreuses limites

L’AGOA en dépit de la formidable opportunité qu’elle offre aux pays, souffre de plusieurs insuffisances. La diversification des expéditions érigée en leitmotiv n’a pas connu d’avancées concrètes. La corbeille des exportations reste dominée par les produits liés à l’énergie et les articles manufacturiers comme les vêtements. Même dans cette dernière catégorie, les pays bénéficiaires sont restés ceux qui avaient déjà une industrie textile, les nouveaux entrants étant rares. De plus, l’importance des investissements directs américains sur le continent reste toute relative. Le continent africain ne bénéficie que de 1% des investissements mondiaux des USA.

Selon la Commission économique de l’Afrique en 2016, ce sont surtout les entreprises asiatiques qui ont injecté du capital dans l’industrie du textile et de l’habillement en lieu et place des compagnies américaines.

Mieux, la nature même de la législation sur l’AGOA pose de nombreuses questions dans la mesure où les pays africains semblent être sous la menace permanente d’une exclusion, ce qui rend instable l’environnement économique pour les entreprises.

Mieux, la nature même de la législation sur l’AGOA pose de nombreuses questions dans la mesure où les pays africains semblent être sous la menace permanente d’une exclusion, ce qui rend instable l’environnement économique pour leurs entreprises.

Ainsi, le président américain doit procéder à un examen annuel des dispositions appliquées par les pays d’Afrique subsaharienne dans le cadre du respect des conditions d’admissibilité de l’AGOA. La Maison-Blanche peut ainsi radier unilatéralement un pays s’il détermine que celui-ci ne fait pas de « progrès continu » dans certains domaines.

La Maison-Blanche peut ainsi radier unilatéralement un pays s’il détermine que celui-ci ne fait pas de « progrès continu » dans certains domaines.

Point important, la liste des produits éligibles peut être amendée par le département américain du commerce. Celui-ci peut ainsi réintroduire des droits de douane s’il juge que des importations menacent l’industrie nationale.

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Les USA peuvent réintroduire des droits de douane s’ils jugent que des importations
menacent l’industrie nationale.

A ces facteurs s’ajoutent de nombreuses contraintes qui empêchent les pays africains de réaliser pleinement le potentiel offert par l’AGOA. Il s’agit entre autres, de la faiblesse des infrastructures de production, de la formation de la main d’œuvre, des contraintes financières des entreprises ou encore des défis comme le faible accès à un approvisionnement fiable en électricité.

Espoir Olodo

Espoir Olodo

 

L’apport réel de l’AGOA dans le développement de l’industrie textile en Afrique

Le développement de la filière textile et habillement en Afrique, est sans doute la meilleure réussite de l’AGOA grâce aux avantages supplémentaires qu’elle offre aux produits manufacturés. En plus des règles d’origine applicables à tous les produits, la loi ajoute une disposition relative aux tissus de pays tiers. Ceci permet aux pays éligibles de s’approvisionner en tissu, fil ou coton auprès de sources autres que les États-Unis et les pays de l'Afrique subsaharienne pour fabriquer les articles vestimentaires qui continueront de bénéficier d’un accès sans taxes ni quotas au marché africain.

Plusieurs pays africains ont été en mesure de tirer profit de ces dispositions en mettant en place des zones franches industrielles qui accueillent de nombreuses entreprises orientant leur production vers les USA, mais également vers d’autres marchés de consommation comme l’UE.

AGOA kenya

Globalement, grâce à l’AGOA, les envois de produits textiles africains ont progressé de manière substantielle. Entre 2000 et 2009, les exportations de textiles et de vêtements dans le cadre de l’AGOA, ont bondi de 23%, passant de 748 millions de dollars à 922 millions de dollars après un pic de 1,6 milliard $ en 2004.

Des nations bénéficiaires de l’AGOA, comme le Kenya, Maurice, l’Éthiopie et le Lesotho ont pu diversifier leurs exportations grâce à leur industrie textile et de l’habillement.

Aujourd'hui, l’AGOA est le moteur de la croissance du sous-secteur de l'industrie du vêtement dans plusieurs pays dont le Lesotho. Dans ce pays, si l'industrie du vêtement est apparue au début des années 80, elle a pris son véritable envol avec l’introduction de l’AGOA. Le pays a ainsi dirigé 66% de ses exportations de textiles et d'habillement vers le marché américain sur la période 2008-2012. D’après les données du gouvernement, alors que le sous-secteur des textiles employait 19 000 travailleurs en 1999, ce chiffre est passé à 45 700 en 2011 à la faveur de l’AGOA.

EO

 

L’AGOA et l’épée de Damoclés
Malgré les nombreux discours volontaristes des autoritaires américaines, l’AGOA apparaît aussi comme un moyen de pression commerciale qui permet aux USA de faire évoluer les accords de franchise en leur faveur et d’exiger les contreparties.

Pour qui s’intéresse à cet aspect des relations, les disputes des Etats-Unis avec l’Afrique du Sud reste un cas d’école. Ce pays, qui depuis l’an 2000, appliquait des droits anti-dumping additionnels de 100% contre les importations de volaille non désossée en provenance des États-Unis, a dû céder, en janvier 2016, face aux responsables américains.

US threatens South Africa

Pour arriver à ce dénouement, les USA qui ne manquaient pas de mettre en lumière un traitement « injuste » par rapport aux produits de volaille d’origine brésilienne et européenne, ont menacé la Nation arc-en-ciel d’une exclusion à l’AGOA, le 5 novembre 2015. Face à de telles conditions, l’Afrique du Sud qui a grandement tiré parti de l’AGOA en augmentant ses expéditions de vins, d’agrumes ou de produits automobiles, a dû faire volte-face sacrifiant ainsi une partie de son industrie de la volaille.

Cette situation semble prendre forme avec le nouveau front ouvert sur les produits textiles, avec le Rwanda en particulier. Le pays a été récemment menacé de privation des avantages de l’AGOA relatifs aux vêtements, du fait de son refus d’importer des articles vestimentaires d’occasion américains, suite à une décision commune de la Communauté est-africaine qui date de mars 2016.

EO

 

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