(Agence Ecofin) - Des fuites de documents ont permis au Consortium international pour le journalisme d'investigation (ICIJ), de relever une nouvelle affaire de pratiques et abus, privant de nombreux pays, dont ceux d'Afrique, d'importantes ressources financières et fiscales. Après le Panama et le Luxembourg, c'est le tour aujourd'hui de l'île Maurice, un pays insulaire situé au sud de l'Afrique et souvent très bien noté dans les classements Doing Business et les indices de gouvernance.
Plus de 200 000 documents provenant du bureau mauricien d'un prestigieux cabinet d'avocats offshore, Conyers Dill & Pearman, sont au cœur de l'enquête. L’ICIJ a corroboré les informations révélées par les documents divulgués avec les données du registre des sociétés de Maurice et des données de la Financial Services Commission.
« Ces documents comprennent des courriels, des contrats et des plans d’entreprise fournis par certains des plus grands acteurs mondiaux du secteur financier et juridique, notamment la firme d'audit KPMG et la multinationale d’avocats Clifford Chance. Ensemble, ils révèlent les tentatives des entreprises et des particuliers d’exploiter des règles fiscales pour éviter de payer des impôts dans des pays tels que l’Egypte, le Mozambique et la Thaïlande », peut-on lire dans la synthèse présentée par Will Fitzgibbon et Fergus Shiel, deux des importants membres de ICIJ.
Maurice est revenu plusieurs fois cette année dans l'actualité des abus fiscaux qui plombent les ressources financières et fiscales des pays africains. Déjà des accords de non double taxation qu'elle a signés avec le Kenya et le Sénégal, ont été dénoncés. De même, le pays est ressorti comme l'un des plus agressifs en matière d’obtention de fiscalités avantageuses sur d'autres pays africains, dans le cadre du Corporate Tax Haven Index, qui classe les pays et entités territoriales en fonction de leur capacité à être des paradis fiscaux pour les entreprises.
Les autorités de ce pays n'ont pas spécifiquement rejeté les données et révélations issues de ces fuites. Elles ont plutôt choisi de parler des transformations institutionnelles qu'elles ont opéré dans le sens de faire évoluer les choses. Elles évoquent notamment le durcissement des conditions pour bénéficier des conditions avantageuses de l'île.
Enfin dans sa réponse, le gouvernement tout en reconnaissant que des pays souhaitent terminer les accords de non double imposition, admet que 6 pays en plus du Kenya sont en train de vouloir y mettre un terme.
Selon des rapports concordants, l'Afrique perd chaque année près de 150 milliards $ dans des circuits d’abus, fuite et fraude fiscaux, mais aussi dans le cadre des flux financiers illicites via des trafics divers. Dans le même temps, la région a besoin du même montant, sur les dix prochaines années, pour combler son gap en infrastructure.
Idriss Linge
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