(Agence Ecofin) - Le gouvernement camerounais a affiché sa volonté d’entrer dans la lutte contre les abus fiscaux internationaux à travers une exploitation frauduleuse de la règle dite des prix des transferts ; une pratique qui caractérise la valeur à laquelle des entreprises d'un même groupe multinational effectuent des transactions entre elles.
« Les entreprises relevant de la structure en charge de la gestion des grandes entreprises qui sont sous la dépendance ou qui contrôlent d’autres entreprises au sens de l’article 19 bis du présent code, sont tenues de déposer une déclaration annuelle sur les prix de transfert, par voie électronique, suivant le modèle établi par l’administration », peut-on lire dans le projet de Loi de finances exercice 2020 qui a été déposé à l'examen des députés et des sénateurs.
Le texte est nouveau et peut être perçu comme une victoire de la société civile camerounaise qui, pendant plusieurs années, a dénoncé l'absence d'une réglementation des transactions entre les groupes, et qui sont présentées clairement comme des moyens, soit d'accroître la sortie des capitaux, soit de réduire la base d'imposition. Les opérations concernées sont des accords de vente, d’achats, ou même de réalisation des prêts.
Ainsi, les filiales de multinationales présentes au Cameroun devront désormais prouver qu'elles ont traité avec une entreprise sœur, de la même façon qu'elles l'auraient fait si l'opération s'était déroulée dans le cadre d'une concurrence parfaite. La loi va plus loin en indiquant que ces conditions ne sont pas nécessaires, si la société avec laquelle on traite est dans un paradis fiscal, ou une juridiction qui offre un régime fiscal avantageux.
Si cette proposition de loi est un pas de géant, elle souffre néanmoins d'un certain nombre de faiblesses. La première est que les parlementaires camerounais ne s'intéressent pas particulièrement à la question. Plusieurs d'entre eux ont été invités à discuter des résultats d'études sur les prix de transferts par des sociétés pétrolières, mais cela n'a pas forcément déclenché le débat parlementaire souhaité.
La deuxième faiblesse réside dans le fait que le projet de loi conditionne l'entrée en vigueur de cette disposition fiscale par la publication d'un décret d'application. L’expérience camerounaise montre que ces textes d'application prennent parfois du temps à être signés, diluant pour un temps bien long, les effets bénéfiques d'une loi. De même, le positionnement du Cameroun sur les prix de transfert arrive à un moment où le débat fiscal international a beaucoup évolué.
En effet, la société civile internationale milite désormais pour une taxation unifiée des entreprises dites multinationales ou transfrontalières. Elle souhaite une plus grande transparence dans la publication des comptes et que le principe de base de l'impôt soit que le pays qui subit le plus le business d'une société puisse recevoir le maximum des impôts.
Au sein de l'administration fiscale camerounaise, il y a une réelle volonté de lutter contre les prix de transfert. Une initiative d'autant plus pertinente dans les secteurs du pétrole, du gaz et des mines solides, où une part importante des ressources naturelles recueillies, sont données aux entreprises partenaires, au titre de compensation pour les dépenses. Mais parfois, la qualité et la pertinence de ces dépenses ne sont pas connues, du fait des discrétions sur les contrats qui les encadrent.
Idriss Linge
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