(Agence Ecofin) - Le directeur général de l’assureur sud-africain Sanlam, Ian Kirk (photo), a estimé que des tensions diplomatiques entre Pretoria et Rabat retardent encore la finalisation du rachat du groupe marocain Saham Finances.
«Il y a eu des brouilles diplomatiques entre les deux pays qui ont été largement médiatisées, et je pense qu’elles sont à l’origine du retard.», a-t-il déclaré dans un entretien publié ce mercredi 12 septembre par le site d’information sud-africain Moneyweb, en réponse à une question sur les raisons du retard de la finalisation du rachat par Sanlam des 53,37% de parts qu’il ne détient pas encore dans le groupe marocain Saham Finances.
«Il est important que le Maroc et l’Afrique du Sud aient des relations diplomatiques étroites. L'année dernière, il y a eu des progrès, mais une petite régression a été enregistrée cette année.», a-t-il ajouté.
M. Kirk s’est cependant dit confiant que la transaction sera finalisée. «Nous restons convaincus que, même s’il y a un retard, nous y parviendrons. L'accord a du sens pour toutes les parties.», a-t-il souligné.
Moneyweb a noté que les tensions diplomatiques entre l’Afrique du Sud et le Maroc seraient liées à deux dossiers : la position de Pretoria en ce qui concerne le Sahara occidental et le refus de l’Afrique du Sud de soutenir la candidature du Maroc à l’organisation du Mondial 2026.
A l’instar de l’Algérie ou Cuba, l’Afrique du Sud est un soutien historique du Front Polisario, un mouvement qui milite pour l’indépendance du Sahara occidental.
Ancienne colonie espagnole, le Sahara occidental est le dernier territoire africain dont le statut colonial n’a pas été réglé. Il est majoritairement contrôlé par le Maroc, qui propose une autonomie sous sa souveraineté. Le Front Polisario réclame, quant à lui, un référendum d’autodétermination, prévu en 1991 lors du cessez-le-feu conclu avec le Maroc, mais qui n’a jamais pu être organisé.
Dans un communiqué publié le 22 mars, soit à peine deux semaines après l’annonce de l’acquisition de Saham par Sanlam, le Congrès national africain (ANC), le parti au pouvoir en Afrique du Sud, a qualifié d’ «occupation coloniale», la présence marocaine au Sahara occidental, et réaffirmé «le droit inaliénable du peuple du Sahara occidental à l’autodétermination et l’indépendance».
Le parti de la lutte anti-apartheid a également annoncé, à cette occasion, la nomination d’un envoyé spécial sur la question du Sahara occidental.
Le 1er mai 2018, l’Afrique du Sud a arraisonné un cargo transportant une cargaison de 55 000 tonnes de phosphate parti du Sahara occidental, en direction de la Nouvelle-Zélande, alors qu’il faisait escale à Port Elizabeth. Le Front Polisario avait au préalable porté plainte devant un juge local contre ce transport, illégal selon lui, et obtenu la saisie de la cargaison. Une semaine plus tard, l’Office chérifien des phosphates (OCP), a annoncé avoir récupéré cette cargaison mise aux enchères en Afrique du Sud après sa saisie, tout en dénonçant la saisie comme une «grave entorse aux principes élémentaires du droit menaçant la liberté du commerce international».
Mi-mai, plusieurs médias marocains ont rapporté que l'autorité marocaine du contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (ACAPS) pourrait ne pas donner son aval à l’acquisition de Saham Finances par Sanlam.
«Le régulateur devrait statuer sur un refus, en arguant des intérêts supérieurs du pays, face à l'entrisme de Pretoria et des implications à l'échelle continentale d'une telle transaction.», avait notamment écrit le journal marocain Le Desk.
«L’obtention des autorisations réglementaires nécessaires à la réalisation effective du deal Sanlam-SAHAM ne souffre d’aucun retard injustifié et que la procédure se déroule conformément à la réglementation en vigueur.», ont cependant indiqué des sources autorisées au sein du groupe Saham Finances à l’Agence Ecofin, le 24 mai.
«Saham Finances tient à démentir formellement s’être vu signifier un quelconque refus de la part des autorités de régulation et de contrôle relatif à la cession en faveur du groupe Sanlam annoncée le 8 mars dernier.», ont ajouté ces mêmes sources.
Le rachat de Saham par Sanlam constitue une opération inédite par sa taille et ses répercussions sur le marché des assurances en Afrique. Suite à l’approbation de cette transaction par les diverses autorités règlementaires, le géant sud-africain deviendra l’unique actionnaire de Saham Finances et prendra le contrôle de 35 compagnies d’assurances opérant dans 26 pays africains.
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