(Agence Ecofin) - Alors qu'on approche du mois de mai 2019, date à laquelle il avait été demandé aux sociétés d'assurance de la zone CIMA (Conférence Inter-africaine du Marché des Assurances) de procéder à de premières augmentations de fonds propres, très peu d'entre elles sont en voie d'être conformes, a appris l'Agence Ecofin d'une présentation officielle en novembre 2018 dernier.
Une réforme ambitieuse aux attentes fortes
Réunis à Yaoundé (Cameroun) en avril 2016 le Conseil des Ministres en charge des assurances dans les 14 pays membres de la CIMA avaient décidé que les sociétés anonymes d'assurances devraient remonter leur capital social de 1 à 5 milliards de FCFA et les sociétés mutuelles de 800 millions de FCFA à 3 milliards de FCFA.
Le calendrier des augmentations prévoyait une hausse de 1 à 3 milliards de FCFA au plus tard au 31 mai 2019 et une hausse à 2 milliards de FCFA pour les sociétés de mutuelle. Il leur était aussi demandé d'avoir des fonds propres complémentaires supérieurs ou égaux à 80% de capital social.
Les objectifs affichés derrière ce changement de régulation étaient de renforcer la solidité financière des compagnies d'assurance, réduire les possibilités de faillite et encourager les consolidations dans le secteur. Le conseil avait aussi imposé que les augmentations soient faites en numéraires (argent liquide) et dans des cas très encadrés par incorporation des réserves.
Un niveau de mise en œuvre loin des prescriptions règlementaires
Un rapport sur la mise en oeuvre de ces principales mesures et celles relatives aux actes à accomplir, a été présenté en juillet 2018. Il en ressort plusieurs éléments qui montrent qu’on n’a pas beaucoup avancé dans le sens souhaité par la CIMA. Déjà, à cette période, on comptait encore 180 sociétés d'assurance, signe que peu de consolidations se sont effectuées.
Par ailleurs, il ressort que sur 180 société d'assurances ayant transmis leurs rapports, seulement 87 d'entre elles ont transmis des rapports comme le prévoit la règlementation. Parmi ces dernières, seulement 20 avaient déjà un capital minimum de 3 milliards de FCFA comme le prévoit la première étape. Et sur ces 20 sociétés seules 14 respectaient déjà le niveau d'exigence des fonds propres.
Des efforts de recapitalisation ont ainsi été constatés, mais depuis l'entrée en vigueur de la règlementation en 2016, seulement 38 milliards de FCFA d'augmentation ont été constatés et concernent 29 entreprises. Sur ces 29 entreprises d'assurance, à peine 16 se conforment à l'exigence des fonds propres minimum de 80% par rapport au capital social.
La CIMA explique cette situation par deux faits principaux. Elle indique d'une part que dans certains pays membres, le processus se heurte à la difficulté à trouver des actionnaires locaux capables de souscrire à des augmentations de capital comme le prévoient les législations locales. L'autre explication est la faible rentabilité des fonds propres dans le secteur, qui décourage les investisseurs.
Les responsables de la CIMA disent avoir pris acte du dernier point et que cela encouragera les consolidations. Mais il n'est pas sûr que les choses aillent forcément dans ce sens.
Des difficultés qui avaient déjà été soulevées par des experts
Dans une analyse faite en octobre 2016 sur cette réforme, Finactu, un groupe de conseil financier spécialisé sur l'Afrique, avait déjà averti sur ce risque dans l'application de la réforme. Les experts indiquaient qu'en raison du risque que présente le secteur des assurances, la marge reférentielle de rendement des capitaux pour les investisseurs serait de 15% du capital soit près de 750 millions de FCFA. Mais dans un secteur où les marges nettes représentent 8% (non-vie) ou 4% (vie) il faudrait des chiffres d'affaires minimum respectifs de 9,4 milliards de FCFA et 18,8 milliards de FCFA l’année.
La conclusion de ces différentes estimations, était qu'au bout du processus, 32 assureurs trop petits disparaîtront. Mais les défis peuvent être plus importants. Au moment où se rédigeait l'analyse, il était attendu des augmentation de capital social de 415 milliards de FCFA au moins. Les augmentations actuelles représentent moins de 10% de ce montant.
La CIMA a prévu de sévir pour les sociétés qui ne respectent pas les nouvelles règles. Au moment de la présentation, ses responsables prenaient exemple sur le Nigéria, ou le régulateur avait aussi demandé une augmentation du capital social. Mais depuis fin 2018, cette option a été abandonnée et les assureurs nigérians peuvent souffler.
Les prochaines rencontres des ministres de la CIMA s'avèrent décisives pour le paysage des assurances dans les pays de la CIMA. Dans beaucoup d'entre eux, les économies se sont détériorées et les environnements des affaires ne sont pas toujours favorables à l'attraction de nouveaux investissements surtout dans des domaines relativement risqués.
Idriss Linge
Lomé, Togo - Organisé par la BIDC.