(Agence Ecofin) - «Cela ne se fera pas». C’est le verdict sans appel lancé par les actionnaires du groupe américain Chiquita, réunis à Charlotte, en Caroline du Nord pour décider du projet de fusion entre leur compagnie et le groupe irlandais Fyffes. En dépit du soutien de la direction, le projet d’une union qui était censé donner naissance à ChiquitaFyffes, hypothétique leader du commerce mondial de la banane, n’a pas convaincu les actionnaires de la compagnie qui lui préfèrent la dernière proposition des Brésiliens Cutrale et Safra.
Un roi de la banane
Il est 11 heures 39 à New-York et 16 heures 15 à Dublin. Sur les marchés internationaux, l’action de Chiquita gagne 3,6% de sa valeur et se fixe à 14,25 $ tandis que celle de Fyffes perd 5% et descend à 0,94 euros. Le monde vient ainsi de sceller le décès de celui qui aurait dû être le nouveau roi de la banane : ChiquitaFyffes. 18,7% du marché mondial, un chiffre d’affaires évalué à 4,6 milliards de dollars, 32 000 employés et une présence dans 70 pays à travers le monde. Autant d’indicateurs du gigantisme d’un empire qui ne verra pas le jour. La faute à une offensive des Brésiliens Cutrale et Safra. Et pourtant en mars dernier, toutes les conditions semblaient réunies pour que l’opération se déroule sans heurts. Les deux directions étaient tombées d’accord sur les modalités de la fusion, un organigramme commençait à se dessiner. ChiquitaFyffes serait basée à Dublin en raison des avantages fiscaux que ce mouvement offrait. La direction serait assurée par David McCann tandis qu’Ed Lonergan serait le président de la compagnie. Pour ce dernier, président de Chiquita, cela semblait être «un partenariat stratégique naturel qui combine deux sociétés complémentaires avec une longue histoire et une importante réputation.» tandis que David McCann, principal dirigeant de Fyffes ne cachait pas son envie de « travailler avec l'équipe de Chiquita pour construire une entreprise commune bien positionnée et réussir dans un marché très compétitif et qui créera beaucoup de valeur pour les actionnaires».
Quand Cutrale et Safra s’en mêlent
Il aura fallu attendre le mois d’août pour voir les premiers nuages planer sur le projet. Cutrale et Safra, détenu respectivement par les milliardaires José Luis Cutrale et Joseph Safra, lancent sur Chiquita une offensive à 13 $ l’action, soit 2 dollars de plus que la valeur du titre en bourse. Rejet de l’équipe dirigeante du groupe nord-américain, qui, soucieuse d’aboutir à la concrétisation de son rêve, revoit les conditions de la fusion avec Fyffes. Il détiendra désormais environ 60% des actions du nouveau groupe contre 50,7% initialement.
Aussi, l’offre suivante de 658 millions de dollars (soit 14$ l’action), soumise par les Brésiliens trouve-t-elle aussi la porte close. Mais déjà, rien n’est plus certain, quand bien même les dirigeants de Chiquita affirment-ils, en raison du deadline proposé, que «les actionnaires n'ont pas de garanties que la proposition de 14 dollars par action en cash sera toujours valable si l'union avec Fyffes ne reçoit pas l'assentiment le 24 octobre». Ils conseillent toujours l’option Fyffes, mais rament à contre-courant de l’opinion des analystes qui eux préconisent désormais un accord avec les Sud-américains.
La mort du roi
Le coup de grâce viendra d’une offre de dernière minute du duo Cutrale-Safra datant du 23 octobre: 14,5 $ l’action (soit 685,9 millions de dollars au total) et une fenêtre de négociation ouverte jusqu’au 26 octobre, soit deux jours après l’assemblée générale. Cette dernière se décide donc, à saisir l’opportunité qui s’offre. «Etant donné les résultats d’aujourd’hui, nous avons décidé de mettre un terme à notre accord avec Fyffes et de nous engager avec Cutrale-Safra selon les modalités de sa nouvelle offre» déclare Ed Lonnergan dans un communiqué. Fyffes pourra se consoler avec 3,5% du capital de Chiquita, ainsi que le prévoyaient les deux parties en cas de rupture de l’accord. Quant à ChiquitaFyffes, il ira rejoindre le cimetière où reposent, tel Marcellus, les promesses non tenues du destin.
Aaron Akinocho
Lomé, Togo - Organisé par la BIDC.